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Priedegten 2023  
1er mai 2023

Le feu dans le désert

Homélie de Renée Schmit du 1er mai 2023

Lecture du livre de l’Exode (Ex 3, 1-16)

Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu.

Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? »

Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! »

Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. »

Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. Le Seigneur dit : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances.

Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel, vers le lieu où vivent le Cananéen, le Hittite, l’Amorite, le Perizzite, le Hivvite et le Jébuséen.

Maintenant, le cri des fils d’Israël est parvenu jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que leur font subir les Égyptiens. Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. »

Moïse dit à Dieu : « Qui suis-je pour aller trouver Pharaon, et pour faire sortir d’Égypte les fils d’Israël ? » Dieu lui répondit : « Je suis avec toi. Et tel est le signe que c’est moi qui t’ai envoyé : quand tu auras fait sortir d’Égypte mon peuple, vous rendrez un culte à Dieu sur cette montagne. »

Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : “Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.” Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? »

Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : JE-SUIS.” »

Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est LE SEIGNEUR, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob”. C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en âge. Va, rassemble les anciens d’Israël. Tu leur diras : “Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, m’est apparu. Il m’a dit : Je vous ai visités et ainsi j’ai vu comment on vous traite en Égypte.” »


Monsieur le Cardinal, Monseigneur l’Évêque auxiliaire,
Chers pèlerins dans cette cathédrale, et vous tous, téléspectateurs et auditeurs qui êtes en communion avec nous,

« Paris ! L’incendie est maîtrisé. Les fumées se sont dissipées. La tragédie demeure. Notre-Dame, est gravement endommagée, mais elle est debout. »

Voici les paroles d’un journal de boulevard allemand au lendemain de l’incendie du siècle, commentant les évènements dramatiques en avril 2019 [1].

À côté, on pouvait voir une photo du chœur endommagé, avec une grande croix jaune illuminée se dressant en arrière-fond [2]. Une lumière dans le brouillard, alors qu’en un instant, comme un château de cartes, un trésor de beauté immense s’est effrité entre nos mains.

Une église en feu. – Quelle image pleine de force symbolique et plus que jamais d’actualité. Et je pense non seulement aux abus sexuels, mais à un fossé entre progressistes et traditionalistes, des démissions inattendues d’évêques et autres, des désacralisations d’églises et une pandémie qui a laissé ses traces dans le peuple de Dieu.

Par ailleurs, le Pape François, en courageux souverain pontife, un bâtisseur de ponts, toujours joyeux et plein d’espérance qui, malgré ses limites de santé et d’âge avancé, ne cesse de dénoncer les maladies dans l’Église et les injustices au cœur de ce monde, fidèle à sa devise « miserando atque eligendo » – « Élu par miséricorde ».

Comme avocat des pauvres, il s’engage pour une Église impliquée dans les réalités de ce monde, sans hésiter à se salir les mains, même si cela lui vaut de nombreuses critiques.

Soucieux de ramener le peuple de Dieu aux fondements de l‘Évangile [3], le pape a convoqué un synode mondial sur la synodalité de l’Église. Après une consultation universelle, nous voilà arrivés à une nouvelle étape d’un cheminement de fraternité universelle que le Christ nous a montrée. Quelle audace ! Quelle entreprise ecclésiale audacieuse !

Entre temps, le feu continue à brûler dans l’Institution et à de nombreux endroits de notre monde. Quel bonheur de pouvoir s’abreuver aux sources de la foi et de prendre en main les Saintes Écritures.

Dans le passage biblique que nous venons d’entendre [4], Moïse vient d’atteindre ses propres limites. Ayant atteint la périphérie du désert il y reçoit un signe d’espérance : un feu qui brûle sans se consumer et une voix qui lui parle : « Moïse, Moïse ! N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! »

Un feu dans le désert ! Comment est-ce possible ?

Moïse commence à observer le mystère pour écouter le Saint qui se révèle, même si dans sa propre vie tout n’a pas été si saint. Rappelons-nous tout simplement qu’il a été sauvé des eaux du Nil, grandi en Égypte à la cour de Pharaon comme un étranger ; confronté à la condition d’esclave des Hébreux en terre d’exil, berger improvisé au service de son beau-père. Mais il y avait encore une autre chose ? Dans l’affect il a tué un égyptien. Il a éliminé un homme pour s’enfuir ensuite au désert.

L’Écriture nous montre que l’être humain a toujours tendance à fuir la réalité : fuite devant soi-même, fuir devant autrui et fuir devant l’appel de son Créateur.

Et Dieu dans tout cela ? – Il demeure, car il est Amour. Son Amour éternel est comme un feu brûlant qui ne cesse de se consumer, un feu qui brûle même quand les problèmes semblent vous écraser, quand l’homme/la femme dérape. C’est alors que Dieu vient à la rencontre de l’homme, le gratifiant de sa présence et de sa miséricorde.

Pour Moïse un espace lumineux s’ouvre, un lieu pour des questions et des doutes, un lieu pour être et demeurer. Moïse tombe ainsi sur le fondement de sa propre réalité pour entendre la voix du Seigneur qui l’enverra bientôt ailleurs.

Chers pèlerins,

Au début de cette Octave, nous arrivons avec Moïse à la périphérie du désert. Des déserts, il y en a parfois tout près : des lieux cachés où l’on aspire trouver un peu d’humanité, un lieu de protection et de consolation, un lieu d’espérance, un lieu qui nous révèle le sens profond de nos vies.

C’est à la périphérie qu’un nouveau départ devient possible, comme le professeur Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de San’ Egidio s’exprime dans un de ces livres passionnants. [5]. Quel bonheur de voir alors tout un groupe de bénévoles engagés aux frontières de notre société pour être tout simplement le sel et la lumière du Christ.

Un bel exemple nous est donné dans la paroisse Lëtzebuerg Notre-Dame à Bonnevoie, où, entretemps plus de 70 personnes s’engagent avec enthousiasme et persévérance au service des sans-abris et des gens qui vivent déjà en ce moment sous le seuil de la pauvreté. Ensemble, ils donnent un témoignage évangélique par des chrétiens actifs et vivants, des disciples missionnaires [6], tels que le pape en souhaite voir partout suite à son expérience d’une Église sud-américaine engagée dans la pâte humaine.

S’engager à la suite du Christ au service des hommes et des femmes de notre temps, sollicite de nouveaux espaces, des lieux de rencontre véritables, des lieux d’écoute active, des lieux pour relier une expérience de vie à une expérience de foi. Oui il nous faut des espaces de résonnance où où l’on est attendu, des espaces de vraie rencontre. C’est alors que la Parole de Dieu pourra s’enraciner à nouveau. C’est là le terrain sacré d’aujourd’hui, où nous serons proches du feu divin.

Chers amis,

Le récit de la vocation de Moïse est plein d’espérance. Est-ce que nous croyons encore à l’appel du Seigneur qui peut surprend à l’heure par son feu et appeler à sa mission ? À Moïse il a révélé son nom, son identité, sa DNA : « Je suis celui qui est » [7]. Je suis celui qui demeure avec toi, alors que tant de choses s’écroulent dans une Église qui a l’odeur d’un brûlé. Je suis avec toi quand tu as sévi des intempéries. Je suis celui qui demeure lorsque tu rencontres la maladie et la mort et que ton amour atteint ses limites. Moi, ton Dieu, je ne te laisserai seul et ma présence est mon premier signe d’espérance.

Chers amis,

C’est l’Octave, et nous pérégrinons tous selon nos possibilités. Mais nous allons tous vers la cathédrale auprès de Marie. Nous venons auprès de celle qui est la Mère, la Consolatrice des affligés. Voilà déjà si longtemps qu’elle est appelée la Mère de Dieu, la « Theotokos » [8], et vénérée comme étant le Vierge, capable de conduire des âmes et d’introduire à une relation vivante avec son fils Jésus. Au 4e siècle déjà, le texte du buisson ardent a été mis en relation avec la naissance du Christ par la Vierge Marie.

Grégoire de Nysse [9], un des Pères de l’Église du 4e siècle, écrit à ce propos dans un sermon de Noël : « Qu’attirés par le miracle, nous contemplions, tout comme Moïse, cette apparition extraordinaire [10] en Marie, le buisson ardent ne se consume pas ; le Vierge met au monde la lumière sans subir de dommage. » [11]

Dans l’art oriental cette représentation est d’ailleurs fréquente. L’image nous rappelle que Marie demeure au cœur de nos réalités et qu’elle reste attentive à ce qui est et à ce que nous voulons bien lui confier.

Elle est le signe d’une espérance certaine et de consolation pour le peuple de Dieu dans son pèlerinage comme nous le rappelle Lumen Gentium [12] dans sa constitution sur l’Église, appelée à faire signe. Elle la Mère de l’Église est la Mère d’une Église en pèlerinage, avec d’innombrables cultures, de confessions et de religions.

En tout cela, Marie nous précède, car elle est déjà auprès du Seigneur. Elle, la femme n’ayant pas subi de dommage, peut nous donner sa protection et sa consolation certaine sur le chemin de nos vies exposées aux vents de la fragilité. Amen.

(traduit du luxembourgeois)


[1Bild, 17 avril 2019.

[2Croix de l’artiste Arcabas.

[3Pape François, Evangelii Gaudium, 2013.

[4Ex 3,1-16.

[5Andrea Riccardi, Die Peripherie, Ort der Krise und des Aufbruchs für die Kirche, Herder, 2017.

[6EG, no 268.

[7Ex 3,14.

[8Concile d’Éphèse, 431 apr. J.-C.

[9Saint Grégoire de Nysse, 331/340-395 apr. J.-C.

[10Ex 3,3.

[11Saint Grégoire de Nysse, Homélie sur la naissance du Seigneur, PG 46, 1128.

[12Lumen Gentium, no 68.

 
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