Pour une Église « en sortie »

Chers frères et sœurs dans la foi,

Heureusement, après la pandémie, nous retrouvons la joie des sorties, des rencontres, des déplacements de par le monde. Cela vaut d’autant plus pour l’Église, en considérant son essence et sa mission. Le Pape François a utilisé la formule suivante : « Fidèle au modèle du maître, il est vital qu’aujourd’hui l’Église sorte pour annoncer l’Évangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions, sans hésitation, sans répulsion et sans peur. La joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu. » (E 23)

Ces paroles figurent dans l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium – La Joie de l’évangile, rédigée il y a dix ans en guise de conclusion de l’année de la Foi (2013). L’analyse impressionnante de la situation qui y est faite n’a rien perdu en actualité. Dans un discours clair et rafraîchissant, la Pape a le souci de nous expliquer ce que signifie l’audace d’un nouveau départ pour l’Église.

L’Église est synodale

La dynamique de la remise en route n’est une invention ni du pape actuel ni du Concile Vatican II. Elle fait pour ainsi dire partie de l’ADN des croyants et de l’Église. Elle trouve son fondement dans la parole-même de Dieu. Abraham, par exemple, a répondu à l’appel de Dieu et s’est mis en marche vers un pays nouveau. Moïse a eu la mission divine de conduire son peuple juif de l’esclavage vers la liberté en lui faisant passer la Mer rouge. Les prophètes ont suivi l’appel de Dieu pour annoncer sa parole, que cela leur convienne ou non.

Et pour nous, chrétiens, la mission vient de Jésus lui-même et nous engage : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples ». (Mt 28,19)

Marcher, être ensemble (syn-) en route (-hodos), aller à la rencontre de l’autre, écouter la parole de Dieu ensemble, prier, inspirés par l’Esprit Saint et discerner les prochains pas à faire ensemble, voilà, dès le début, une caractéristique fondamentale de l’Église. C’est l’Église synodale dont parle le Pape François et qu’il appelle une « Église en sortie ».

L’Église n’est pas une fin en soi

L’Europe et le monde traversent une période difficile. Le changement climatique, la pandémie, et depuis un an l’attaque militaire russe en Ukraine entraînent des conséquences durables. Les soucis et les angoisses face à l’avenir préoccupent beaucoup de personnes. Or, c’est précisément dans un tel contexte, où les hommes et les femmes nécessitent des perspectives d’espérance, que nombre de communautés religieuses se trouvent elles-mêmes en état de crise et ont perdu en crédibilité. C’est à regret que nous le reconnaissons : il y a eu des phases au cours desquelles l’Église a consacré plus de temps à célébrer sa propre perfection et son pouvoir triomphal plutôt que de se trouver au service de Dieu et au service des hommes. Un pouvoir excessif dans l’exercice de leur autorité a amené des hommes et des femmes d’Église à des abus spirituels ou sexuels. Il y a actuellement un processus de traitement transparent de ces cas, de même qu’un travail de prévention conséquent aux niveaux structurel et personnel, et ces efforts seront poursuivis. La foi elle-même est en crise. Cela nous amène à la question de savoir quelle image l’Église possède d’elle-même et de sa mission.

L’Église et la Fraternité universelle

Au XIIe siècle, Saint François d’Assise s’est adressé dans une lettre à tous les hommes en tant que frères et sœurs, leur proposant un style de vie de simplicité inspirée par l’Évangile.

Dans cet ordre d’idées, notre Pape François a visé dès la première phrase de son encyclique Fratelli tutti (2019) le but de la mission de l’Église : une fraternité mondiale, une solidarité universelle avec tous, notamment avec les pauvres et les marginaux, et cela à travers une vie conforme à l’Évangile. L’Église doit réaliser qu’elle est en marche, ensemble avec des frères et sœurs d’autre confessions, de religions différentes, voire avec les incroyants. Dieu est le créateur de tous les humains et il porte le même Amour à chaque personne.

À côté de la responsabilité envers tous les êtres humains, nous avons, comme chrétiens, une obligation par rapport à la création que Dieu nous a confiée. Elle est la maison commune abritant toute l’humanité. Le souci de la préservation de l’environnement fait partie de l’annonce et de la mission de l’Église. Dans la première encyclique consacrée par l’Église à l’environnement, Laudato si’ (2015), le Pape François aborde un thème qui non seulement nous unit avec tous ceux qui peuplent la terre, mais qui nous responsabilise envers notre sœur et mère, la terre, que Dieu a créée, tout comme nous tous. Voici ses paroles : « Cette sœur crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle. » Des catastrophes environnementales et le réchauffement climatique sont des signaux visibles qui doivent nous amener à faire un effort collectif en vue d’une conversion écologique. Le Carême est un moment propice pour nous chrétiens pour modifier notre style de vie, et cela en faveur de la nature et de l’environnement en choisissant la marche à pied, en utilisant la mobilité douce, en réduisant notre consommation d’énergie.

Disciples missionnaires

Dans son introduction spirituelle lors de la réunion synodale européenne à Prague le 6 février dernier, le théologien tchèque Tomáš Halík a rappelé que les premiers chrétiens se considéraient comme les adeptes de la Voie. Ils se voyaient d’abord marcher à la suite de Celui qui avait dit : « Je suis le chemin » (cf. Jn 14,6). C’est notamment en temps de crise qu’il nous faut redécouvrir cette vision des choses. Tomáš Halík a dit : « Je crois vraiment que nous en sommes à un moment décisif et que l’orientation de la chrétienté vers la synodalité, cette transformation de l’Église en une communauté dynamique de pèlerins pourront influencer la destinée de toute la famille humaine. »

Sur le chemin où le Christ nous accompagne, la rencontre avec Lui est déterminante. Mettons-nous à son écoute dans l’Esprit-Saint.

Dès avant son élection il y a dix ans, le Pape a souvent attiré l’attention sur le verset de l’Apocalypse bien connu : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe. » (Ap3,20) Jésus demande à entrer dans son Église, dans notre vie, dans nos cœurs. Mais aujourd’hui le Pape François inverse le point de vue, en disant que Jésus frappe aussi depuis l’intérieur. Il désire sortir, et c’est à nous de le suivre. Au-delà de nos limites spirituelles, institutionnelles et confessionnelles, il nous faut sortir à la rencontre des hommes et des femmes, des pauvres en premier lieu, des marginaux, de ceux qui sont dans la détresse.

Le Carême

Bien-aimés frères et sœurs,

En ce début de Carême 2023, je voudrais vous rappeler que la prière, le jeûne et le partage contribuent à renforcer notre amitié personnelle avec Jésus ainsi que notre solidarité et notre fraternité envers nos semblables. Dans ce sens, voici quelques suggestions :

• Essayez de réserver chaque jour un moment à la prière : dès le matin, dans la soirée, ou en plein jour. Que ce soit de préférence selon un horaire et une durée fixés d’avance.
• Essayez consciemment de diminuer votre consommation. Vous pouvez réduire le temps consacré aux nouveaux médias, ou diminuer votre alimentation, comme p.ex. les sucreries, la viande, l’alcool, et cela notamment le vendredi.
• Prévoyez un budget que vous réserverez aux pauvres. Un tel budget mensuel pourrait même perdurer après le temps du Carême. Tant de personnes, de familles, de femmes et d’hommes élevant seuls leurs enfants ont peur de l’avenir et risquent de sombrer dans la pauvreté, s’ils n’y sont pas déjà.

À Pâques, nous célébrerons la résurrection de notre Seigneur Jésus Christ crucifié. Si nous prenons au sérieux le Carême comme temps de préparation à cette fête centrale de notre foi, il est important que cela nous aille sous la peau en agissant sur notre esprit aussi bien que sur notre corps.

N’est-ce pas à condition de ne pas être saturé constamment de tout ce que je peux emmagasiner en une journée que je peux réserver une place au Christ dans ma vie, au bénéfice de mon prochain et de l’environnement ?

Je saisis le Carême 2023 comme moment favorable pour redécouvrir mon amitié avec Jésus-Christ, pour revoir mon engagement social et ma contribution à la protection de la nature.

Le thème des Journées Mondiales de la Jeunesse qui auront lieu à Lisbonne au début du mois d’août est le suivant : « Marie se leva et partit en hâte. » (Lc 1,39) Prenez la route comme Marie, vous spécialement, chers jeunes amis ! Accompagnez-moi aux Journées Mondiales de la Jeunesse, avec beaucoup de jeunes du Luxembourg et du monde entier ! Pour une Église « en sortie », j’ai besoin de vous.

Que Marie, la Mère de Jésus, notre bonne Consolatrice, patronne de la Ville et du pays, nous accompagne tous avec son exemple et sa prière.

Vierge et Mère Marie,
toi qui, mue par l’Esprit,
as accueilli le Verbe de la vie
dans la profondeur de ta foi humble,
totalement abandonnée à l’Éternel,
aide-nous à dire notre « oui »
dans l’urgence, plus que jamais pressante,
de faire retentir la Bonne Nouvelle de Jésus.

Étoile de la nouvelle évangélisation,
aide-nous à rayonner par le témoignage de la communion,
du service, de la foi ardente et généreuse,
de la justice et de l’amour pour les pauvres,
pour que la joie de l’Évangile
parvienne jusqu’aux confins de la terre
et qu’aucune périphérie ne soit privée de sa lumière.

Mère de l’Évangile vivant,
source de joie pour les petits,
prie pour nous.
Amen.

(Extrait de la prière finale d’Evangelii gaudium, 288)

Luxembourg, le 11 février 2023
Mémoire de Notre-Dame de Lourdes et Journée mondiale des malades

+ Jean-Claude Cardinal Hollerich
Archevêque de Luxembourg