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Rot vun de Kultusgemeinschaften . Conseil des Cultes  
26 janvier 2016

Avis du Conseil des Cultes conventionnés concernant le programme-directeur du cours « Vie et Société »

Avis du Conseil des Cultes conventionnés

1. Introduction

Le Conseil des Cultes conventionnés a été invité dans le cadre de la phase de consultation à une entrevue avec le Ministre de l’Éducation nationale. L’Église néo-apostolique a été représentée en tant qu’invité permanent du Conseil des Cultes conventionnés. Après la présentation de son avis lors de l’entrevue du 10 décembre 2015 au Ministère de l’Éducation nationale, le Conseil des Cultes s’est engagé sur demande du Ministre à présenter en cours de janvier 2016 un avis détaillé sous forme écrite. Le Ministre s’est engagé à transmettre cet avis au groupe de travail « Vie et société » chargé de l’élaboration du nouveau cours. L’Église protestante donnera son avis ultérieurement.

Le Conseil des Cultes conventionnés souscrit dans le cadre de l’élaboration du cours « Vie et société » à la recommandation du Conseil de l’Europe de 2005 qu’il ne s’agit pas « de transmettre une foi, mais de faire comprendre aux jeunes pourquoi des millions de gens puisent à ces sources » (Art. 14.4) religieuses et philosophiques. Il constate cependant que le document directeur concernant le cours de « Vie et société » ne respecte pas cette recommandation du Conseil de l’Europe puisqu’il ne fait pas suffisamment « découvrir aux élèves les religions qui se pratiquent dans leur pays et celles de leurs voisins » (Art. 14.1), intégrant leur histoire ainsi que « l’option de ne pas avoir de religion » (Art. 14.2). Il ne voit pas non plus comment ce cours pourrait donner pleinement « à la jeunesse des outils pédagogiques lui permettant d’aborder en toute sécurité les partisans d’une approche religieuse fanatique » (Art. 14.3).

Dans la suite, ces constatations seront détaillées et des pistes concrètes seront présentées afin de combler ces lacunes substantielles. Une réécriture partielle du document directeur actuel s’impose à la lumière de ces constatations.

2. Critique du programme-directeur

a. Ruptures entre le document-cadre et le programme-directeur

Il est étonnant de devoir constater une rupture entre le programme-directeur (novembre 2015) et le document-cadre publié en mars 2015. Cette rupture se manifeste au niveau des contenus des 6 grands domaines thématiques du programme-directeur. Le domaine d’apprentissage « religion » illustre parfaitement cette rupture inexplicable. Le document-cadre de mars 2015 souligne en effet :

Dies setzt unter anderem eine Auseinandersetzung mit christlich-jüdischen und aufklärerisch-humanistischen Traditionen voraus, die beide unsere Gesellschaft maßgeblich geprägt haben. Dies kann anhand von religiösen, philosophischen, historischen oder anderen Textquellen geschehen. (p. 2)

Das Dekodieren der bildhaften Sprache, der sich Religionen bedienen, ist eine wesentliche Kompetenz, die vermittelt werden muss, um Kindern und Jugendlichen eine selbstbestimmte Auseinandersetzung mit religiösen Themen zu ermöglichen. In der Tat ist es oftmals ein „religiöser Analphabetismus“, d.h. die Unfähigkeit, religiöse Texte in ihrer sinnbildlichen Sprache zu verstehen, der den Weg für dogmatische und radikale Positionen bereitet. (p. 3)

Dans le programme-directeur, ces principes ne sont ni repris ni concrétisés au niveau des six grands domaines thématiques autour desquels s’articulera le nouveau cours dans l’enseignement fondamental et secondaire : Moi ; Moi et les autres ; Modes de vie, monde et société ; L’être humain, la nature et la technique ; Culture et communication ; Grandes questions de la vie. La connaissance, la compréhension et l’analyse des textes religieux dans une optique qui tient compte de leur contexte historique et social doivent être promues. Ceci présuppose donc e.a. une présentation des grands « livres de parole » (Torah, Bible, Coran…) et de leur contextes historique, géographique et religieux respectifs.

b. Communication insuffisante de la part du ministère

Le Conseil des Cultes conventionnés regrette que le ministère n’ait pas entammé les consultations plus tôt. Il regrette aussi que le Ministre n’ait même pas daigné étudier la proposition que les Cultes conventionnés lui avaient soumise, celle d’un « cours des religions ». En effet, l’offre d’un tel cours aurait pû permettre le maintien du libre choix entre un « cours des religion » et un cours de philosophie pratique ; cette offre aurait été une innovation exemplaire au niveau européen.

Par ailleurs, le programme-directeur affirme se référer à des plans d’études analogues élaborés à l’étranger ; ceci n’est pas tenable. En effet, en novembre 2014, la commission des programmes du cours d’instruction religieuse et morale dans l’enseignement fondamental a remis au Ministère de l’Éduction Nationale une analyse détaillée de 54 pages, faisant état de la situation des concepts et programmes-directeurs en Allemagne, en Suisse (allemande et romande) et au Canada à partir de cinq programmes proposés par le MEN. Or, aucune ligne directrice de ces programmes ne se retrouve dans le document-directeur pour le programme « Vie et société ». De plus, l’observation suivante est fausse :

Im Vergleich fällt auf, dass die Substitute für den herkömmlichen Religionsunterricht fast immer auf Philosophie und Ethik sowie Religionswissenschaften bezogen und darauf dann auch begrenzt werden. (p. 3)

En effet les programmes analysés (que ce soit en Suisse, en Allemagne ou au Canada) prennent bien en compte d’autres aspects du « vivre ensemble » et ne se limitent pas à la philosophie, l’éthique et les sciences des religions. Ils incluent notamment la culture, le vivre ensemble et la formation politique.

Si le ministère, resp. le Pr Oelkers et son équipe, se sont inspirés d’autres programmes, pourquoi ne pas les indiquer ? Et pourquoi ces programmes n’ont-ils alors pas été remis à la commission des programmes de l’enseignement religieux ? Pourquoi cette absence de transparence ?

Relevons enfin que jusqu’à présent aucun avis des deux experts externes, le Pr Daniel Bogner (Université de Fribourg) et le Dr Joachim Kalcher (Lehrerseminar Köln), n’a été publié.

c. Les thèmes religieux quasi évacués du programme-directeur

Pour le Conseil des Cultes conventionnés, il importe de ne pas donner d’image caricaturale des différentes religions (ni des autres convictions non religieuses). Le Conseil des Cultes conventionnés se réjouit que le Ministre ait aussi estimé qu’une présentation parfois caricaturale des religions relève d’un manque de culture générale d’autant plus déplorable si elle intervient dans le cadre de l’enseignement.Il considère qu’il faut mieux et davantage (aspect quantitatif et qualitatif) informer sur les différentes religions, tout comme sur les convictions non religieuses que le fait le programme-directeur actuel.

Tout en partageant la vue du Ministre qu’une analyse ne peut se faire uniquement au niveau arithmétique des thèmes pour porter un jugement sur la qualité du programme, le Conseil des Cultes conventionnés souligne que le nombre des thèmes constitue pourtant un indicateur au niveau d’une pondération du domaine de la religion.

Il constate que le nouveau cours exclut largement le fait religieux et les religions au niveau des domaines thématiques du programme. En effet, sur 166 thèmes nommés, il n’y en a que 23 qui font une référence explicite aux religions ! On ne peut sérieusement affirmer que 14 % des thèmes traités prennent réellement en compte l’apport historique, culturel, sociétal et existentiel des religions ainsi que leur rôle actuel dans le monde.

À l’école fondamentale, le programme exclut même toute présentation des religions, pourtant affirmée encore dans le programme gouvernemental (« présenter de manière objective les grands courants religieux »). Par ailleurs, certains domaines thématiques ne mentionnent aucun thème en relation explicite avec la religion ; il en va ainsi de « l’être humain, la nature et la technique ». Or le dialogue entre sciences et religions a une longue tradition ! Il en va de même pour « les grandes questions de la vie » : pourquoi exclure ici la richesse sapientielle des religions au niveau de l’enseignement fondamental ?

Une analyse détaillée permet de dégager les éléments suivants :

Nombre total des thèmes : 166. Nombre de thèmes ou la religion est explicitement nommée : 23. Part des thèmes « religion » : 14%.

Enseignement fondamental

  • Nombre total des thèmes : 65. Nombre de thèmes ou la religion est explicitement nommée : 7. Part des thèmes « religion » : 11%.

Analyse détaillée :

  • Cycle 2 : Nombre de thèmes où la religion est explicitement nommée : 0 sur 21 thèmes.
  • Thèmes où la religion n’est pas explicitement nommée dans les cycles 2 à 4, selon les 6 grands domaines thématiques autour desquels s’articulera le nouveau cours :
    Moi : 0 sur 8 thèmes ; L’être humain, la nature et la technique : 0 sur 10 thèmes ; Grandes questions de la vie : 0 sur 9 thèmes, soit trois des six thèmes.
  • Nombre de citations d’une religion concrète : christianisme : 0 ; autres religions : 0.

Enseignement secondaire

  • Nombre total des thèmes : 101. Nombre de thèmes où la religion est explicitement nommée : 16. Part des thèmes « religion » : 16%.

Analyse détaillée :

  • Dans 2 des 6 grands domaines thématiques , à savoir « Moi » et « L’être humain, la nature et la technique », il n’y a aucune citation explicite de la religion.
  • Nombre de citations d’une religion concrète : christianisme : 1 ; judaïsme : 1 ; islam : 1 ; hindouisme : 1 ; bouddhisme : 1.

Rappeler que l’enseignant peut intégrer les religions dans certains domaines est certes vrai, mais insuffisant pour garantir un enseignement cohérent et objectif.

Notons qu’il convient aussi d’intégrer les convictions athées et agnostiques que le programme directeur ne prend pas expressément en compte.

d. L’absence de projet méthodologique et didactique

i. Les déficits relevés

Le Ministre avait annoncé dans la presse une publication concernant la méthodologie et la didactique à appliquer, de même que les savoirs et les compétences à acquérir. Il est étonnant de constater qu’en fin de compte le seul texte avec 166 thémes a été dévoilé. Jusqu’à présent tout concept méthodologique et didactique fait défaut.

Vouloir se limiter à la définition de trois compétences de base, notamment :

  • Kulturelle, weltanschauliche und religiöse Ausdrucksformen wahrnehmen und sich in der Gesellschaft orientieren
  • Ethische Herausforderungen wahrnehmen und sich mit moralischen Fragen auseinandersetzen
  • Menschen mit verschiedenen Traditionen und Überzeugungen respektvoll begegnen und sich mit ihnen verständigen

est insuffisant. Il importe de définir des compétences opérationnelles au niveau de chaque cycle de l’enseignement fondamental et secondaire.

De plus, il faut veiller à ne pas nourrir des illusions au niveau pédagogique par l’emploi d’un vocabulaire non approprié. Si le cours « Vie et société » peut certes contribuer au développement de ces trois compétences de bases mentionnées, il ne pourra pas produire les compétences au niveau du « savoir-être » telles que les formulations employées actuellement pourraient le suggérer.

La nécessité de la ressource « savoir » lors de la construction des trois compétences de base est sous-estimée car elle n’est presque pas mentionnée au niveau du programme-directeur. Cette constatation est renforcée par les observations sur les présentations des religions et courants philosophiques qui font défaut dans ce programme-directeur.

ii. Un cours de formation politique ?

Il est indéniable qu’une formation au niveau politique (politische Bildung) est nécessaire. Elle doit donc être promue au niveau de l’enseignement luxembourgeois. Il faut pourtant se demander si l’abolition du cours de religion, d’une part, et de la formation sociale et morale, d’autre part, est légitime pour introduire un cours « Vie et société » qui se développe de plus en plus dans la direction d’une « formation politique » (Cf. les remarques répétées qui vont dans cette direction : « Das Fach „Leben und Gesellschaft“ trägt im weiteren Sinne zur Politischen Bildung bei. » (p. 1) « Hinter dem neuen Fach steht die politische Herausforderung : „Zusammen leben – Zusammenleben gestalten“. » (p. 4) « Das Fach passt zu den aktuellen Bemühungen um Schulentwicklung in Luxemburg (wie Politische Bildung u.a.) und ergänzt den Fächerkanon der Primar- und Sekundarstufe. » ( p. 6)).

En tout cas, il semble clair que le gouvernement désire orienter le cours dans cette direction : « L’introduction du nouveau cours “Vie et société” et la mise en place d’un centre d’éducation à la citoyenneté (Zentrum fir politesch Bildung) concrétisent la mission de l’école de transmettre des valeurs communes en tant que fondements de notre société multiculturelle. » (Communication sur le site du MEN en relation avec la conférence de presse pour la rentrée scolaire 2015/2016.)

Trois problèmes se posent dans ce contexte :

1. Il est évident qu’à ce moment les bonnes pratiques des deux cours existants risquent d’être anéanties car le programme directeur ne valorise ni la philosophie pratique ni la compréhension et l’analyse de textes religieux dans leur contexte socio-historique.
2. Dans l’enseignement secondaire technique, il existe déjà un cours « d’éducation à la citoyenneté » dans certaines classes. Le ministère a-t-il l’intention d’introduire un cours pareil à tous les niveaux ? Une remarque comme : « Das Fach passt zu den aktuellen Bemühungen um Schulentwicklung in Luxemburg (wie Politische Bildung u.a.) und ergänzt den Fächerkanon der Primar- und Sekundarstufe. », ou encore la note 2, p. 6 : « Insbesondere ist sie (die Zusammenstellung von Themen) abzustimmen mit der Entwicklung weiterer Fächer und Anliegen in der Schule wie z.B. politische Bildung » semblent l’indiquer.
3. Si on envisage l’introduction d’un cours de formation politique supplémentaire (voir note 2 ci-dessus), alors pourquoi ne pas valoriser dans « Vie et société » les considérations mentionnées sub 1 ?

iii. Le nouveau cours reste en deça des deux cours actuels

Le Conseil des Cultes se demande pourquoi les bonnes pratiques des deux cours existants sont pratiquement anéanties car le programme directeur ne valorise ni la méthodologie au niveau de la philosophie pratique ni la compréhension et l’analyse de textes religieux dans leur contexte historique et sociétal. Dans le programme gouvernemental le nouveau cours était présenté entre autre comme un cours « harmonisé ».

3. Propositions concrètes pour une révision du programme-directeur

a. Réflexions générales

i. La recommandation du Conseil de l’Europe de 2005

Un des projets majeurs du Conseil de l’Europe qui ont été développés en matière d’éducation interculturelle portait le titre : « Le nouveau défi de l’éducation interculturelle : diversité religieuse et dialogue en Europe » (2002-2006). Ce projet se base sur l’idée que la religion constitue un des aspects importants du multiculturalisme et que, dans cette perspective, elle se place au cœur du défi de la diversité. Le projet se dirige vers une véritable compréhension du fait religieux, reconnu comme une prémisse de base à la tolérance, qui doit passer par une reconnaissance de la valeur de la diversité et par l’inclusion.

Dans sa Recommandation 1720, intitulée « Éducation et religion », adoptée en 2005, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe souligne que la connaissance des religions fait partie intégrante de celle de l’histoire des hommes et des civilisations. Elle est différente de la croyance en une religion donnée et de sa pratique.

La recommandation du Conseil de l’Europe de 2005 souligne également qu’il ne s’agit pas « de transmettre une foi, mais de faire comprendre aux jeunes pourquoi des millions de gens puisent à ces sources » (Art. 14.4) religieuses et philosophiques afin de faire « découvrir aux élèves les religions qui se pratiquent dans leur pays et celles de leurs voisins » (Art. 14.1), intégrant leur histoire ainsi que « l’option de ne pas avoir de religion » (Art. 14.2) et de donner « à la jeunesse des outils pédagogiques lui permettant d’aborder en toute sécurité les partisans d’une approche religieuse fanatique » (Art. 14.3). Le Conseil des Cultes conventionnés souscrit à ces recommandations.

ii. Notre pays, l’Europe et le monde sont aussi façonnés par les religions

La société luxembourgeoise est marquée par le pluralisme culturel et religieux. Cette diversité est une richesse ; elle exige aussi que les personnes apprennent à se connaître, s’apprécier, se respecter et construire ensemble la société de demain. L’école publique doit contribuer à une telle éducation, essentielle pour la cohésion sociale.

Les religions marquent profondément la vie des citoyens croyants et inspirent également les traditions et cultures de nos sociétés ; elles ne peuvent être négligées quand on veut connaître, apprécier et respecter l’autre pour construire ensemble l’avenir. Dans cette perspective, l’enseignement des religions doit donc avoir sa place à l’école publique. Dans la suite, des propositions spécifiques devraient contribuer à rendre concret cet enseignement.

b. Propositions spécifiques concernant le programme-directeur

i. Présenter les grandes religions : une nécessité

Le Conseil des Cultes conventionnés regrette que la présentation actuelle des domaines thématiques du programme-directeur ne respecte pas les recommandations du Conseil de l’Europe puisqu’il ne fait pas suffisamment « découvrir aux élèves les religions qui se pratiquent dans leur pays et celles de leurs voisins » (Art. 14.1), intégrant leur histoire ainsi que « l’option de ne pas avoir de religion » (Art. 14.2).

Ainsi, à l’école fondamentale, le programme exclut même toute présentation systématique des religions, pourtant affirmée encore dans le programme gouvernemental (« présenter de manière objective les grands courants religieux »).

Il faudra donc compléter les lacunes actuelles par une première découverte et présentation systématique des trois grandes religions monothéistes (judaïsme, christianisme, islam). Il ne suffit pas de partir uniquement du vécu, des expériences et des appartenances religieuses des élèves comme le suggère la formulation du thème « Was Kinder in ihren Religionen erleben und lernen ». Il faut au contraire apporter des informations précises, véhiculées en accord avec l’âge des élèves. De plus, il est inconcevable de ne pas traiter l’islam ou le judaïsme en classe si aucun élève de cette religion ne fait partie de la classe car une présentation de ces religions est indispensable à la compréhension du paysage religieux de notre pays, de son histoire et de sa culture.

Ceci devrait donc se concrétiser dans les trois cycles de l’enseignement fondamental par une présentation des trois grands monothéismes (christianisme [y compris au cycle 4 les trois confessions], judaïsme, islam) avec leurs contenus fondamentaux, leurs livres sacrés, rites, lieux de culte, symboles, différences ainsi que leur rapprochement.

Au niveau de l’enseignement secondaire, il faudra poursuivre la présentation des grandes religions en l’approfondissant au niveau intellectuel et ne pas se limiter à une simple rencontre avec les différentes religions (« Begegnung mit verschiedenen Religionen ») qui ferait fi des connaissances précises. En fait, pour qu’une vraie rencontre puisse avoir lieu, il est essentiel d’apprendre à se connaître aussi en profondeur. La rencontre des religions souligne que les religions ne sont pas des entités abstraites, mais toujours des phénomènes incarnés par des personnes concrètes.

Dans les deux types d’enseignement, l’approche des principales religions devrait se faire entre autres aussi à travers l’étude de leurs personnages importants (Abraham, Moïse, David, Marie, Jésus, Mahomet au niveau de l’enseignement fondamental et Siddharta, Confucius… au niveau de l’enseignement secondaire) ainsi que de leur histoire. Ceci devrait se compléter par une découverte du témoignage de personnalités humanistes ou religieuses marquantes (Gandhi, Dalaï Lama, Henri Dunant, Martin Luther King, Aung San Suu Kyi…).

Une question importante est celle comment rendre les enseignants aptes à traiter ces sujets, surtout quand ils n’ont encore jamais abordés des sujets religieux (enseignement fondamental). Une formation continue limitée à 10 ou 12 heures de cours ne peut en aucun cas les familiariser assez avec la matière ou la méthodologie pour l’enseigner !

En analysant le paysage religieux de notre pays, il faut relever sa diversité dont l’enseignement doit tenir compte. En même temps, il faut également se référer aux origines culturelles fondatrices de notre société déclinées sous le terme de judéo-christianisme dont le document-cadre en mars 2015 a encore tenu compte.

ii. Concrétiser le document-cadre

Le document-cadre de mars 2015 souligne :

Dies setzt unter anderem eine Auseinandersetzung mit christlich-jüdischen und aufklärerisch-humanistischen Traditionen voraus, die beide unsere Gesellschaft maßgeblich geprägt haben. Dies kann anhand von religiösen, philosophischen, historischen oder anderen Textquellen geschehen. (page 2)

Das Dekodieren der bildhaften Sprache, der sich Religionen bedienen, ist eine wesentliche Kompetenz, die vermittelt werden muss, um Kindern und Jugendlichen eine selbstbestimmte Auseinandersetzung mit religiösen Themen zu ermöglichen. In der Tat ist es oftmals ein „religiöser Analphabetismus“, d.h. die Unfähigkeit, religiöse Texte in ihrer sinnbildlichen Sprache zu verstehen, der den Weg für dogmatische und radikale Positionen bereitet. (page 3)

Ainsi, dès l’enseignement fondamental, il importe de comprendre et de connaître des textes essentiels qui ont marqué nos sociétés occidentales, c.-à-d. les traditions juives et chrétiennes (« Auseinandersetzung mit christlich-jüdischen […] Traditionen », citation reprise du document-cadre de mars 2015) et des Lumières qu’il faut compléter par une introduction à l’islam.

Le programme doit donc inclure l’introduction à l’étude de textes religieux (à partir d’un large échantillon de textes particulièrement importants dans les religions respectives), utilisant différentes clefs d’interprétation permettant de distinguer la lecture symbolique d’une lecture littérale et de promouvoir une approche historico-critique. Ceci est d’autant plus important quand il s’agit identifier et analyser les causes et conséquences de certaines idéologies religieuses (le fanatisme, le fondamentalisme, les dérives sectaires, violences et conflits au nom de la religion). Il s’agit donc de donner « à la jeunesse des outils pédagogiques lui permettant d’aborder en toute sécurité les partisans d’une approche religieuse fanatique ». Le Conseil des Cultes conventionnés ne voit pas comment le programme-directeur respecte dans son état actuel cet article 14.3 de la recommandation du Conseil de l’Europe de 2005.

Au niveau d’une approche comparatiste des « religions abrahamiques », sur les liens historiques, géographiques et culturels entre judaïsme, christianisme et islam, ainsi que dans le cadre du dialogue inter-religieux, une présentation d’Abraham comme figure commune aux trois religions monothéistes à travers les textes respectifs s’avère être un apport indispensable dans ce contexte. Il importerait également de prendre en compte des textes-clés des autres grandes religions du monde comme le bouddhisme et l’hindouisme.

Il va de soi que les mêmes remarques valent également au niveau de la compréhension de textes philosophiques dans leur contexte historique et social. Dans le programme-directeur, aucune concrétisation n’est prévue à ce niveau non plus.

iii. Propositions spécifiques

Rappeler que l’enseignant peut intégrer les religions dans ces domaines est certes vrai, mais insuffisant pour garantir un enseignement cohérent et objectif. Une question qui ne reçoit pas de réponse est celle comment le programme-directeur répond à la prescription suivante du document-cadre : « In jedem Zyklus bzw. in jeder Klassenstufe sind die sechs Lernfelder und ausgewählte religionskundliche Themen aufzunehmen. » (p. 7) Il ne faut pas laisser ce choix à l’appréciation personnelle de l’enseignant.

Laisser planer une incertitude à ce niveau signifierait ne pas donner à l’enseignant la clarté indispensable pour éviter des discussions controversées avec les parents. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle et le courage politique de mentionner clairement que tous les domaines thématiques et les thèmes présentés dans le tableau suivant – dont les dénominations actuelles laissent persister le doute – doivent intégrer impérativement aussi le fait religieux. En effet, comment s’imaginer par exemple de traiter au cycle 2 les fêtes en famille et dans la société sans prendre en compte les fêtes religieuses ? Le programme perdrait toute neutralité ainsi que la crédibilité auprès d’une bonne partie des parents, indépendamment de leur religion ou conviction personnelle.

Sans vouloir être exhaustif, voici des exemples de thèmes concrets qui devraient prendre en compte le fait religieux.

LernfeldGrundschuleSekundarschule
Ich Meinungen haben
Persönliche Verantwortung,
Mut und Zivilcourage
Erfahrungen und Interessen
Lebensideale
Soziales Engagement
Einsamkeit
Autonomie und Verantwortung
Glück als Lebensziel
Ich und die Anderen Regeln und die Goldene Regel
Konflikte/Lösungen
Vorbilder
Überzeugungen und Zugehörigkeiten
Traditionen und Alltagsleben Zusammenleben in verschiedenen Kulturen
Jung und Alt : Zusammenleben der Generationen
Originale und Querdenker
Ursachen von Diskriminierung
Migration und Asyl als Herausforderung
Interkulturelle Erfahrungen
Hilfe und Hilfsbedürftigkeit
Räume des Zusammenlebens
Lebensformen, Welt und Gesellschaft Feste und Feiern in der Familie und in der Umgebung
Familie, Schule, Arbeit, Freizeit, Gemeinschaften
Kalender, Jahreskreis
Erziehung und kulturelle Traditionen
Arm und reich
Umgang mit Benachteiligten
Gerechtigkeit – Fairness
Gesellschaft : Privatheit und Öffentlichkeit, Individuen, Gruppen, Interessen
Geschriebene und ungeschriebene Regeln und Erwartungen
Herkunft : Verbindung
verschiedener Kulturen
Mensch, Natur und Technik Natur und natürlich
Verhältnis von Mensch und Natur (Lebensraum, Abhängigkeit, Naturschutz)
Natur in Mythen, Ursprungsgeschichten
Kultur und Naturschutz
Bewahrung der
natürlichen Umwelten
und Grundlagen
Konsum und Verzicht
Kultur und Kommunikation Zeichen und Symbole in der Umgebung
Namen, Zeichen und Symbole in verschiedenen Kontexten
Kunst und kulturelle Spuren in der Umgebung
Geld, Gier und Barmherzigkeit
Kinderkulturen : Kinder in verschiedenen Lebenswelten
Interessante
Lebensgeschichten – Biographien ; bedeutsamer Menschen
Gesundheit und Krankheit
Große Fragen Werden und Vergehen
Staunen, Ergreifen, Begreifen
Was wertvoll ist
Glück und Unglück
Gut und Böse, Strafen
Zeit
Krankheit, Sterben und Tod
Verstehen, Vertrauen
Hoffnungen
Sinn des Lebens
Natur und Mensch
Gerechtigkeit
Aggression und Gewalt
Leid, Leiden

iv. Présenter les courants agnostiques et athées

L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a recommandé dans l’article 14.1. qu’il s’agit de faire découvrir aux élèves les religions qui se pratiquent dans leur pays et celles de leurs voisins ; il s’agit aussi de leur faire voir que chacun a le droit de croire que sa religion « est la vraie » et que le fait que d’autres ont une religion différente, ou n’ont pas de religion, ne les rend pas différents en tant qu’êtres humains. Enfin l’article 14.2. affirme que l’enseignement « devrait inclure l’histoire des principales religions, ainsi que l’option de ne pas avoir de religion, en toute neutralité. »

Dans le cadre du domaine thématique « Grandes questions de la vie », il faudrait non seulement clarifier l’apport indéniable des grandes religions du monde, mais aussi évoquer les approches philosophiques, laïques et athées sur les interrogations de l’existence (naissance, mort, maladie), sur la conception du bonheur et du malheur et permettre une découverte des différents types de croyances (un dieu, des dieux, des déesses : monothéisme, polythéisme, athéisme, agnosticisme).

c. Élaboration des fiches pédagogiques

i. La participation des cultes conventionnés

Pour ce qui en est de la formation en culture religieuse, le programme doit viser la compréhension des traditions religieuses de façon à ce que celles-ci puissent s’y reconnaître. Ainsi les différents membres du Conseil des Cultes conventionnés pourraient présenter les informations résumant les contenus principaux de leur religion respective (essentials) qui pourraient faire partie du programme et éviteraient des présentations caricaturales de chaque religion.

ii. Note concernant la composition des groupes de travail pour élaborer les fiches pédagogiques

Lors de l’entrevue avec le Conseil des Cultes conventionnés, le Ministre a dit que la religion et la présentation des religions – ainsi que des convictions athées et agnostiques – pourraient aussi être intégrées au niveau d’autres thèmes respectivement domaines thématiques. Ceci devrait entraîner une concrétisation au niveau de l’élaboration des fiches pédagogiques et matériaux didactiques actuellement en cours.

Dans ce contexte, des problèmes se posent au niveau de la procédure envisagée par le MEN en ce qui concerne la composition des groupes chargés de ce travail.

Au niveau de l’enseignement secondaire, la spécialisation du corps professoral permet d’intégrer facilement l’apport d’« experts » autres que les enseignants des cours de religion et de formation morale et sociale dans l’élaboration des fiches pédagogiques. Au niveau de l’enseignement fondamental, MEN a exclu les enseignants de religion – qui font pourtant partie du corps enseignant, aux termes de la loi scolaire de 2009 – lors d’un appel de collaborateurs supplémentaires pour l’élaboration des fiches pédagogiques. Or ces enseignants disposent d’une expertise nécessaire. Jusqu’à présent le Ministre a toujours tenu à respecter une parité au niveau de l’élaboration du nouveau cours commun, mais avec cette mesure il a opté pour une autre approche. Le Conseil des Cultes conventionnés s’oppose à cette discrimination qui s’avère par ailleurs néfaste pour l’élaboration des matériaux didactiques et des fiches pédagogiques.

d. Former les futurs enseignants

Le Conseil des Cultes conventionnés se réfère à l’analyse de la commission des programmes du cours d’instruction religieuse et morale dans l’enseignement fondamental remis au Ministère de l’Éduction Nationale en novembre 2014. Ce document affirme :

Die Ausbildung der Lehrerinnen und Lehrer ist von zentraler Bedeutung. Entsprechende Ausbildungsmodule an den Pädagogischen Hochschulen müssen dafür bereitgestellt werden. In dieser Hinsicht gilt es eine kritische Standortbestimmung der aktuellen Lehrerausbildung vorzunehmen und sich nicht zu scheuen, eventuelle Defizite klar zu benennen. Nur dann können sich sowohl Aus- wie Fortbildung den Herausforderungen eines solchen Faches stellen. Es ist wichtig darauf hinzuweisen, dass es fachspezifischer Kenntnisse und Kompetenzen im Bereich Religion(en) und Ethik bedarf. Wenn dies nicht sichergestellt wird, werden Reformbestrebungen, trotz guter Programme und Schulbücher scheitern.

4. Conclusion

L’introduction hâtive du cours à l’enseignement secondaire met en cause l’élaboration sérieuse du programme. Elle est motivée par des considérations politiques et ne tient pas compte d’une approche pédagogique qualitative. Le Conseil des Cultes conventionnés demande que la qualité du cours constitue la référence incontournable et il s’exprime donc en faveur d’une phase probatoire, annoncée en juillet 2015, mais dont on ne retrouve plus aucune trace sur le site du MEN.

Le Conseil des Cultes conventionnés relève aussi des déficits significatifs du programme-directeur dans sa version actuelle. Il exige donc que le programme-directeur soit retravaillé à la lumière de ces observations et analyses. À cet effet, et à la demande du Ministre, il lui soumet ses propositions concrètes qu’il juge utiles pour contribuer à former de futurs citoyens capables de vivre ensemble dans le respect de l’identité de chacune et chacun d’entre eux.

26 janvier 2016

 
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