S’émerveiller

Mt 1.18-24

À l’époque du Christ, le peuple juif attendait le Messie, c’est-à-dire un homme exceptionnel qui réaliserait les promesses de Dieu, spécialement celles d’instaurer définitivement son Royaume. C’était une espérance pleine d’illusions. Mais voilà que lors de l’Annonciation, Dieu annonce quelque chose qui dépasse tout : le Messie ne va pas être seulement un homme, un roi exceptionnel qui va dépasser tous les rois, mais il sera Dieu lui-même dans la personne de son propre Fils. Quelque chose de totalement nouveau « que personne n’avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, que le cœur de l’homme n’avait pas imaginé, et qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu » (1 Co 2,9). Ce « mystère », qui est bien plus grand et lumineux qu’un miracle, se réalise dans le sein de la Vierge Marie. Le Fils, qui est le Dieu de majesté infinie, « reflet de la Gloire de Dieu, empreinte de sa substance, qui soutient toute choses par sa parole puissante » (cf. He 1, 3), se fait tout petit bébé. Ce mystère est si grand, c’est celui du « Dieu-avec-nous » dont nous parle l’Evangile de ce dimanche.

Et la Vierge Marie est liée à ce mystère. Elle se met tout de suite à l’unisson avec cet enfant-Dieu qui lui est donné par le Père. Elle comprend que cet enfant n’est pas ordinaire : il est Dieu. Et elle l’aime et le contemple avec toute son âme, tout son esprit. En effet, si la Vierge Marie était restée dans l’ignorance par rapport à l’identité réelle de Jésus, sa maternité serait falsifiée. Cela reviendrait à dire que Dieu la trompe car sa maternité reposerait sur une « erreur de personne ». Mais Dieu n’utilise pas la Vierge Marie comme un outil inerte qui n’a pas conscience de ce qu’il fait. Si tel était le cas, Marie serait alors une mère porteuse. Dieu a trop de respect pour cette maternité qu’il a créée et pour la personne humaine avec laquelle il veut partager son amour et sa lumière. Prenons garde à certaines spiritualités qui nous font croire que Dieu utilise des êtres humains comme s’ils n’étaient pas des personnes. Dieu prend en compte tout ce qu’est Marie, dans son corps, son esprit, son histoire, dans tout ce qu’elle est, comme il le fait pour chacun de nous. Or, quel peut être le premier sentiment qui naît dans le cœur de la Vierge Marie, jeune mère, face à cet événement tellement grand et beau, sinon l’émerveillement, la joie de l’admiration ?

C’est certainement cela sa première coopération avec Dieu : s’émerveiller. S’émerveiller devant sa maternité, devant ce bébé qui se tisse dans son sein. Saint Jean Paul II a cette phrase magnifique et lourde de sens : « Sans émerveillement, l’homme tomberait dans la répétitivité et, peu à peu, il deviendrait incapable d’une existence vraiment personnelle » (Fides et Ratio n°4). Preuve en est, pour la Vierge Marie, le Magnificat dans lequel elle exprime cette émotion : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur » (Lc 1, 48), cette joie débordante face à la confiance inouïe que Dieu lui fait. L’émerveillement devient, pour nous aussi, notre première coopération avec Dieu. En effet, Noël est la fête de l’émerveillement premier de notre cœur comme il l’a été pour la Vierge Marie, saint Joseph, les bergers, les mages… Bien sûr, pour s’émerveiller, il faut un cœur qui soit capable d’accueillir, c’est-à-dire libre d’un trop plein, d’un confort matériel surabondant. D’autre part, si notre esprit est d’abord critique et soupçonneux, si notre cœur est d’abord négatif, cela nous empêche de nous émerveiller, de sortir de nous-même. Nous sommes pris dans une fange intérieure qui nous rend triste et désespéré.

Entrer dans l’esprit de Noël, c’est entrer dans l’émerveillement de la Vierge Marie.

L’auteur est prêtre de la communauté Verbum Spei, aumônier universitaire, communauté pastorale Esch-sur-Alzette.

Source : Luxemburger Wort