Homélie du Père Abbé Michel Jorrot OSB (8 mai 2023)

Chers Frères et Sœurs,

Permettez une question, qu’elle ne soit pas indiscrète : « Quand nous entendons les paroles de Jésus sur la croix, que ressentons-nous ? » Seulement une certaine émotion ? N’éprouvons-nous pas plutôt une attirance vers lui. Ses paroles se gravent dans notre cœur. On ne peut les oublier. Que se passe-t-il en effet ? Nous comprenons que c’est spécialement par ces paroles, dites par le Christ sur la croix, que se réalise ce qu’il avait annoncé : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » (Jn 8, 32). La croix, c’est notre pôle d’attraction. C’est le centre de gravité de l’Évangile. Tout y est accompli. Sur la croix, Jésus est le livre ouvert de l’Évangile.

Ainsi, nous percevons que le Christ, en nous donnant sa Mère, achève sur la croix sa mission de proclamer la Bonne Nouvelle. Toute sa mission d’évangélisation arrive là, à sa plénitude. Et il y est question de la Vierge Marie ! Que cela peut-il signifier pour nous, moines, mais aussi pour vous, Frères et Sœurs ?

En effet, à ce moment ultime, Jésus a cessé de parcourir les routes de la Palestine. Là, au Calvaire, alors qu’il est comme arrêté dans sa marche, il évangélise autrement. Et c’est ce qu’il fait en établissant Marie comme notre Mère.

Sur la croix, il est au sommet de son action évangélisatrice : « Élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » Jésus veut attirer tous les hommes, il veut rassembler les enfants de Dieu dispersés. Jésus nous révèle sa manière suprême d’évangéliser : attirer à lui, par sa Mère, tous les hommes pour les conduire vers le Père. Cela il le fait à l’heure de son renoncement total et par son intercession, l’Heure de la croix !

Nous alors pouvons-nous demander : comment l’Église a-t-elle assumé cette forme d’évangélisation qui ne se pratique pas sur les chemins extérieurs ? La réponse nous l’avons reçue dernièrement par notre Pape François. Il a pris la peine d’expliquer qu’un élan spécial pour l’évangélisation se reconnaît dans un grand témoignage qui traverse l’histoire de la foi. Quel témoignage ? Il mentionne les moines et les moniales. Que font-ils ? Le Pape explique : « Ils renoncent au monde pour imiter Jésus sur le chemin de la chasteté, de la pauvreté et de l’obéissance. » [1] Sur la croix, la chasteté, la pauvreté et l’obéissance de Jésus deviennent l’expression du don de sa vie. C’est ce que vivent les moines comme ils le peuvent !

Mais alors, vient la fameuse question : « Comment les personnes vivant dans des monastères peuvent-elles contribuer à l’annonce de l’Évangile ? » Le Pape répond d’une façon qui nous touche : « Les moines sont le cœur battant de l’annonce : leur prière est l’oxygène de tous les membres du Corps du Christ, leur prière est la force invisible qui soutient la mission. Les moines vivent comme cela surtout pour intercéder en faveur de tous. »

Ici que nous pouvons esquisser un rapprochement avec Jésus qui évangélise, qui intercède en restant immobile sur la croix. Effectivement, nous savons que Jésus sur la croix était notre grand intercesseur devant son Père. Il priait pour tous les hommes puisque, élevé de terre, il les attirait tous à lui, leur unique Sauveur. Le Pape a ajouté : « Le cœur des moines et des moniales est un cœur qui capte, comme une antenne, ce qui se passe dans le monde et qui prie et intercède pour cela… Comme Jésus l’a fait, les moines prennent sur eux les problèmes du monde, les difficultés… tant de choses et ils prient pour les autres. Ce sont eux les grands évangélisateurs… Les moines sont un pont d’intercession pour tous les hommes et pour les péchés… Que le Seigneur nous donne des moines et des moniales qui fassent avancer l’Église par leur intercession ». Merci, Saint-Père !

Chers Frères et Sœurs,

En laissant parler le Pape, vous me pardonnerez de vous donner l’impression de faire de la réclame pour notre abbaye. Non, au moins pas directement, mais un peu quand même ! Vous pensez bien que ses propos nous encouragent considérablement dans notre vie contemplative, disons « sédentaire ». Puissions-nous être fidèles à notre place dans l’Église et participer authentiquement à sa vitalité évangélisatrice.

En résumé : selon l’Évangile de la croix, supplions la Mère que Jésus nous y a donnée, d’attirer à lui de nombreuses vocations sacerdotales et religieuses.

Marie, écoute-nous ! Marie, exauce-nous !