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Année C  
5 février 2016

Laissant tout, ils le suivirent (Luc 5,1-11)

Lecture du 5e dimanche du temps ordinaire selon l’approche de la rhétorique sémitique de Roland Meynet

L’évangile de ce dimanche nous montre Jésus entouré d’une foule qui le presse pour écouter la Parole de Dieu. Jésus s’assied dans la barque de Pierre et continue son enseignement. Il poursuit ce qu’il a commencé à la synagogue de Nazareth. C’est dans ce cadre d’annonce de la Parole que les premiers compagnons de Jésus, ses premiers apôtres, sont appelés.

En ce temps-là, la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la parole de Dieu, tandis qu’il se tenait au bord du lac de Génésareth. Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans une des barques qui appartenait à Simon, et il lui demanda de s’écarter un peu du rivage. Puis il s’assit et, de la barque, il enseignait les foules (5,1-4).

Pressée d’entendre la parole de Dieu, la foule entrave l’enseignement de Jésus. C’est pourquoi Jésus monte dans la barque de Simon et lui demande de s’écarter de la terre. La fonction de la « parole » est d’instaurer la communication, mais en dehors de la fusion. Enseignant la « parole de Dieu » (5,1) Jésus augmente la distance. Il ne s’attache pas ses auditeurs, il les met en relation avec le Seigneur. En même temps, Jésus sépare Simon des autres pêcheurs avec lesquels il nettoyait les filets (5,2) quand il le prend avec lui dans la barque.

Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche ». Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais sur ta parole, je vais jeter les filets. » Et l’ayant fait, ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer. Ils firent signe à leur compagnons de l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles enfonçaient (5,4-7).

L’ordre de Jésus d’avancer au large et de jeter les filets est surprenant pour les pêcheurs. Le fait qu’ils lavent leurs filets (5, 3) implique qu’ils considèrent leur travail comme achevé après une nuit d’efforts infructueux. Jésus interpelle « Simon » (5,4) mais c’est à ses compagnons aussi qu’il ordonne de jeter les filets. Simon lui répond qu’eux tous ont peiné toute la nuit sans rien prendre. Mais c’est lui seul qui prend la décision de jeter les filets (5,5). Simon ne nie pas l’évidence, mais il la dépasse dans la foi, il affirme sa confiance dans la parole de Jésus. Simon n’est pas seul, mais c’est lui le chef du groupe de ses associés. Lui seul s’adresse à Jésus, lui seul tombe à genoux et confesse son péché devant le Seigneur Saint (5,8), mais avec lui ses « compagnons » suivent Jésus (5,9-11). Il devient un disciple parmi d’autres, mais dès le début, Jésus lui donne la primauté.

À cette vue, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ». En effet, un grand effroi l’avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient pêchés ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon (5,8-10).

Voyant la dimension prodigieuse de la pêche et la puissance de la parole de Jésus, Simon tombe à genoux (5,8). Il prend soudain conscience de la distance qui le sépare de celui qu’il avait d’abord appelé « chef » (5,5) et qu’il reconnaît maintenant comme « Seigneur », le nom réservé à Dieu. L’aveu de son péché est par le fait même une confession de la sainteté de Jésus. Sa frayeur est celle qui saisit l’homme quand il prend conscience de ses limites au moment même où il fait l’expérience de ce qui le dépasse infiniment, celle qui le fait trembler quand il reconnaît son péché devant la sainteté de Dieu.

Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, à partir de maintenant ce sont des hommes que tu prendras ». Alors ils ramenèrent les barques aux rivages et, laissant tout, ils le suivirent (5, 11).

Ce que Simon abandonne pour aller derrière Jésus, ce n’est pas rien : c’est tout ce qu’il a et tout ce qu’il est. Il sacrifie son travail et ses biens comme son amour-propre de pêcheur qui connaît son métier. Pour obéir à une voix, la voix d’un homme qui commande d’autorité (5,4) qui sait qu’il y a du poisson à capturer et qui annonce comme une évidence la nouvelle profession de Simon (5,10). Et Simon se rend à ces évidences-là, il abandonne les siennes propres pour celles d’un autre. Il fait confiance à ce villageois des collines qui ne connaît rien à la pêche. La vue de ses filets remplis à craquer (5,6) ne lui laisse aucun doute sur l’efficacité de la seconde parole de Jésus (5,10). Le « à partir de maintenant » de Jésus annonce et marque une coupure entre deux versants opposés de la vie de Simon-Pierre. Autour de ce « maintenant », son existence bascule : il y aura ce qui était avant cet instant-là, et ce qui est arrivé depuis lors. Rien ne sera plus comme avant pour lui. Pierre se prosterne aux pieds du Seigneur, il est prêt à entendre et accueillir l’appel pour se risquer à cette nouvelle sorte de pêche que lui propose Jésus. La vraie pêche miraculeuse n’est que préfigurée. Comme la première, elle se fera sur « la parole » de Jésus.

À vrai dire, le « laissant tout pour suivre Jésus » peut se vivre de bien de manières. La première réaction de Pierre devant la « pêche miraculeuse » est la frayeur. Pour tout laisser et suivre le Christ il lui faudra passer de la peur à son contraire, la foi. S’ouvrir à l’appel et au don de Dieu n’est pas facile. Fonder notre vie sur le message de l’évangile, nous attacher au Christ que nous n’avons jamais vu demande de franchir bien des apparences. La foi suppose une rencontre spirituelle du Christ, dans une évidence de sa présence actuelle. Saint Pierre dans sa première lettre écrit : Sans l’avoir vu vous l’aimez : sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d’une joie indicible et pleine de gloire (1 P 1,8). Ainsi parle celui qui fut le premier des pêcheurs d’hommes.

Source : Roland Meynet, L’Évangile de Luc, éditions Lethielleux, 2005, ISBN 2-283-61239-X.

Roland Meynet est professeur émérite de théologie biblique de l’Université Grégorienne à Rome, auteur de plusieurs ouvrages et e.a. directeur de la revue Gregorianum.

Charlotte LANGEHEGERMANN
 
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