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Année C  
23 décembre 2015

La Naissance de Jésus (Luc 2,1-20)

Lecture de la Nativité du Seigneur selon l’approche de la rhétorique sémitique de Roland Meynet

Dans la nuit de Noël, nous sommes invités à contempler « ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers ». (Is 9,6). Cette phrase du prophète Isaïe résonne en filigrane de tout l’évangile de Luc sur la naissance de Jésus. La nuit de Bethléem résonne d’une merveilleuse annonce : « Paix sur la terre aux hommes parce que Dieu les aime ». Tout le projet de Dieu est dit là. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique » (Jn 3,16). Alors nous n’avons plus rien à craindre : « Ne craignez pas », disent les anges aux bergers. Que peut-on craindre d’un tout petit ? Et si Dieu, tout simplement, avait imaginé de naître sous les traits d’un nourrisson pour que nous quittions à tout jamais nos craintes spontanées à son égard ?

En ces jours-là parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allait se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine, Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui était accordée en mariage et qui était enceinte (2,1-5).

Le premier nom qui apparaît dans le récit de Luc est celui de « César August », immédiatement suivi par celui de son représentant dans la région, Quirinius. César Auguste le premier de tous les habitants de « tout l’univers », décide de réaliser le « premier » recensement.

Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune (2,6-7).

Dans un contraste étonnant, l’événement qui fait pendant au décret de l’empereur est la naissance du « premier-né » d’un couple pour lequel il n’y aura « pas de place pour eux dans l’auberge » de Bethléem, (Bethléem signifie littéralement « maison du pain »). Et ils seront réduits à coucher l’enfant « dans une mangeoire » d’animaux. C’est le Seigneur Dieu qui les conduit à Bethléem de Juda, pour que l’enfant voie le jour, comme il convient, dans la ville de David son père. Par Joseph, en effet, le nouveau-né sera « de la maison et de la descendance » du roi d’Israël (2,4). Ainsi, l’enfant de la mangeoire sera appelé à régner non seulement sur Israël comme David « son père », mais sur « tout l’univers » comme César Auguste. Le descendant de David qui vient de naître à Bethléem, bien qu’appelé à régner sur « tout l’univers » est couché dans une mangeoire (2,7).

Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte (2,8-9).

Le maître du ciel envoie son ange non pas à César Auguste, ni à Quirinius ni même à Marie et Joseph, mais à des bergers sans nom. Méprisés des hommes, vivant avec leurs troupeaux, ils n’étaient pas mieux considérés que leurs bêtes. C’est à de telles gens, les derniers parmi les derniers, que les anges s’adressent pour leur annoncer la plus grande nouvelle de tous les temps, la naissance du « Sauveur, Christ et Seigneur » (2,11).

Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’il aime » (2, 12-14).

Cette nouvelle est « pour les bergers » (2,10). Le « signe » que l’ange en donne est « pour eux » (2,12). Bien plus, c’est « pour eux » qu’est né le « Sauveur, Christ Seigneur » (2,11). « La grande joie » qu’ils en auront et « la paix » qu’il apportera sera pour tous les hommes qui sont sur la face de « la terre » (2,14), comme le chante la louange de la troupe céleste innombrable qui retentira bientôt au plus haut des cieux (2,13-14). Le signe qui est offert aux bergers parle leur langage : « la mangeoire » des animaux dans laquelle est déposé le nouveau-né (2,12) fait partie de leur univers quotidien. Ils n’ont vraisemblablement pas eu d’autre berceau. Le Sauveur devait les rejoindre jusque dans les conditions de leur naissance. Comme eux, il se consacrera à veiller sur son troupeau, pour le nourrir et le garder de tous les dangers, en vrai berger de son peuple.

Le premier titre que l’ange du Seigneur attribue à celui qui a été enfanté aujourd’hui dans la ville de David n’est autre que le « Sauveur » (2,11). Ce titre est la traduction du nom même de « Jésus ». Dieu, par la bouche de l’ange Gabriel, lui avait donné son nom avant même qu’il fut conçu dans le sein de sa mère (1,31). Ce Sauveur, « grande joie pour tout le peuple », sera non seulement le berger d’Israël mais il sera le pasteur de l’univers selon le cœur de Dieu, celui qui aime son peuple. C’est ce que dira clairement l’ange du Seigneur : « Paix sur la terre aux hommes que Dieu aime » (2,14).

Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel, ceux-ci se disaient entre eux : « Allons jusqu’à Bethléem pour voir ce qui est arrivé, l’événement que le Seigneur nous a fait connaître » (2,15).

Les premiers invités à « la mangeoire » sont les bergers. Ils font une confiance absolue à ce qui leur est raconté. Dès que les anges sont partis (2,15), ils se hâtent d’aller voir ce que le Seigneur leur a fait connaître. Ils ne se rendent pas à Bethléem pour voir si ce qu’on leur a dit est vrai, pour vérifier si le signe qui leur a été donné est bien avéré. Ils y vont pour « voir ce fait qui est advenu ». Leur confiance n’est pas déçue, puisqu’ils trouvent exactement ce qui leur a été promis (2,16).

Les bergers se hâtèrent d’y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire (2,16). La foi des bergers rencontre celle de Marie : les « faits » qu’elle voit avec la visite qu’ils lui rendent, « les paroles » qu’elle entend de leur bouche, elle se garde de les oublier. Elle les « médite dans son cœur » comme on conserve la parole même de Dieu.

Après avoir vu, les bergers racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé (2,17-20).

Dès que l’armée céleste a rejoint le ciel, les bergers prennent le relais. Ils font exactement ce qu’avaient fait les anges : « ils racontent, ils font connaître » (2,17), ce que ces derniers leur « avaient fait connaître » (2,15). Ils deviennent messager du Seigneur. Les paroles venues du plus haut des cieux par l’entremise des anges sont reprises par les bergers qui les transmettent à « tous ». Ce sont les seuls « anges » qui apparaissent à Joseph et à Marie. Ce que la mère de l’enfant gardera et méditera dans son cœur (2,19), c’est le récit de ce qui leur est arrivé. Quand les bergers s’en retournent, ils font aussi ce qu’avait fait « la plénitude de l’armée des cieux » (2,13) : comme les anges ils « glorifient et louent Dieu » (2,20) pour ce dont ils ont été les témoins et pour avoir été choisis parmi tous sur la terre comme les premiers messagers de la bonne nouvelle.

Comment comprendre ce que signifie l’attitude de Marie : méditer dans son cœur » ? Marie s’était fiée à la parole de l’ange Gabriel à l’Annonciation. Dans les paroles de l’ange, tout paraît coïncider avec les anciennes idées sur Dieu. Celui qui va naître sera « grand », « saint », « Fils du Très- Haut », Dieu lui donnera le « trône de David »… Mais à sa naissance surgit une nouveauté qui rend caduques toutes les anciennes connaissances sur Dieu, et sa grandeur, sa sainteté et sa royauté se présentent sous la forme déconcertante d’un enfant « enveloppé de langes et couché dans une mangeoire ». C’est pourquoi Marie a eu besoin de « garder et de méditer » ce mystère dans son cœur, nous apprenant à réaliser ce travail de foi et à vivre en alerte permanente, comme des gens « menacés de nouveauté » : le plus probable est que Dieu se présente incognito, nous ne saurons jamais comment il apparaîtra dans nos vies. Quelqu’un a dit qu’on l’attendait comme un roi (Ps 45,9), mais il est apparu au milieu d’une odeur d’étable dans une mangeoire. À partir de ce moment-là, l’expérience de Dieu s’est transportée vers des lieux, des temps et des personnes inattendues.

Source : Roland Meynet, L’Évangile de Luc, éditions Lethielleux, 2005, ISBN 2-283-61239-X.

Roland Meynet est professeur émérite de théologie biblique de l’Université Grégorienne à Rome, auteur de plusieurs ouvrages et e.a. directeur de la revue Gregorianum.

Charlotte LANGEHEGERMANN
 
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