Conversation spirituelle : le discernement en acte

« Je voudrais vivre une fois ce dont on parle tout le temps, parvenir au niveau de profondeur voulu par le Pape François », « la conversation spirituelle me semble être une langue supplémentaire parmi toutes celles que nous parlons déjà au Luxembourg », « je veux approfondir encore ma capacité d’écoute »… les motivations des participants sont diverses, mais tous attendent d’en savoir davantage sur cette méthode choisie par le Souverain Pontife pour mener le travail en équipes du Synode sur la synodalité.

Réunie pour une matinée à la maison d’accueil des Sœurs Francisaines, la vingtaine de personnes présente est attentive et concentrée. Franck Janin, Jésuite, et Françoise Uylenbroeck, animatrice de retraites, présentent la démarche. « Si les échanges sont sympathiques et nourrissants, c’est bien, mais notre but, c’est d’écouter ensemble l’Esprit. Nous sommes le peuple de Dieu, un peuple rassemblé en vertu de l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit. En tant que baptisé nous sommes le sanctuaire de l’Esprit Saint. Chaque membre du corps est important dans l’Église du Christ. Chacun doit être écouté pour le bien du Corps entier. »

Pour l’exercice du jour, le thème choisi est « mon expérience en Église ». Trois textes sont proposés (voir ci-contre). « Il nous faut des instruments pour vivre l’unité du corps du Christ qu’est l’Église. C’est là qu’intervient la conversation dans l’Esprit. Le pré-requis est que chaque membre du corps écoute l’Esprit-Saint à son niveau, c’est pourquoi la conversation spirituelle commence toujours par un temps personnel. » Chacun se retire donc en silence une quinzaine de minutes pour prier et demander au Seigneur qu’Il lui donne de revisiter avec Lui une expérience marquante liée à son appartenance à la communauté ecclésiale. Il s’agit de laisser monter dans la prière le souvenir de l’événement, de définir en quoi cette expérience a été particulièrement marquante et d’y reconnaître la présence de Dieu, de son Esprit. Franck Janin précise : « il n’y a pas que le Saint-Esprit qui parle, il peut aussi y avoir les esprits mauvais. Dans la prière, saint Ignace recommande de déterminer si ce que nous ressentons nous conduit vers Dieu, vers une augmentation de notre Foi, de notre Espérance et de notre Charité. » Tout ce qui détruit cela vient du Malin.

Après ce temps de méditation, des petits groupes de quatre ou cinq sont constitués. Au sein des groupes, chacun parle à son tour, sans s’interrompre. Le premier tour de parole consiste à partager les fruits de sa prière et à écouter attentivement les contributions des autres. Au deuxième tour, après un moment de réflexion silencieuse, il est proposé de confier au groupe ce qui nous a touché dans les expériences des autres. Enfin, après un nouveau temps de silence, le troisième tour permet d’exprimer ce que l’on va garder de ce temps de conversation. Si le thème de la conversation spirituelle est un discernement sur une décision à prendre en commun, c’est lors de ce tour que l’on relève les éléments de consensus ou de désaccord et que la discussion peut s’engager.

Ce qui se dit dans les groupes est confidentiel. Mais l’effet de la prière, avant la constitution et tout au long de l’exercice, est sensible. La façon de s’exprimer, de revivre les événements, d’écouter les autres, n’est plus la même. De retour en grand groupe, les commentaires des uns et des autres sont éloquents : « nous sommes entrés dans les petits groupes en tant que personnes et nous nous sommes découverts amis dans le Seigneur », « la conversation m’a conduit à toucher du doigt la sacralité de chaque personne », « la conversation spirituelle mène à limiter ses mots, elle mène au silence ».

Certains esprits chagrins pourraient douter de l’efficacité d’une telle méthode s’il s’agit, en définitive, de prendre une décision collégiale. « N’oublions pas, souligne Franck Janin, que nous avons des responsables. L’Église n’est pas une démocratie. Il n’y a pas d’opposition entre l’écoute de chacun et le fait que quelqu’un doit prendre la décision finale. Et il faut que ceux qui sont dans le discernement puissent avoir une conversation spirituelle éclairée. »

Cerise sur le gâteau, la conversation spirituelle peut parfaitement s’appliquer lors d’une réunion d’équipe. Sans nécessairement nommer la méthode. Il faut alors communiquer à l’avance l’ordre du jour en demandant aux participants de réfléchir et de prier avant la réunion. Puis, avant chaque point, de donner un moment d’intériorité. Une minute suffit. Les trois tours d’écoute, de partage et de bilan consensus-divergences permettent à chacun de s’exprimer. Deux éléments sont essentiels : insuffler l’esprit de l’écoute et rester maître du temps, en nommant par exemple un gardien du temps.

La conversation spirituelle n’est pas une formule magique. Elle ne gomme pas les aspérités, n’efface pas les dissensions. Il faut pouvoir exprimer un désaccord, un sentiment négatif, mais dans un esprit de respect et d’écoute. Le but n’est pas de faire avancer ses idées mais de se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint. Un pas de côté pour mieux rester sur le Chemin.