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Bestietnes a Famill . Mariage et famille  
15 mars 2013

Les enfants et le mariage homosexuel

Prise de position de la Commission Diocésaine pour la Pastorale Familiale

1. Dans le débat actuel concernant une éventuelle ouverture du mariage aux couples homosexuels et de l’adoption par des couples homosexuels, il est fait état de la relation entre des enfants et des parents (de même sexe). La question de l’origine des enfants, de la conception, de la procréation, par contre, est souvent éludée.

Or c’est une dimension essentielle dans le débat. En effet, les parents ne sont pas seulement « les jardiniers de leurs enfants », soucieux de bien les faire pousser. Ils sont encore et avant tout responsables d’une transmission génétique et identitaire, qui est une manière d’instituer la vie, et ce par la façon dont une culture donne des références symboliques sans lesquelles aucune existence humaine – en famille et en société – n’est possible. Cette transmission se fait à travers la filiation. L’enfant est reconnu fils ou fille de Monsieur Untel et de Madame Unetelle et s’inscrit de par cette reconnaissance dans la chaîne des générations.

Procréer est autre chose que produire. La procréation est le résultat d’un acte personnel, physique et psychique, qui engage la différence de sexe, la rencontre entre un homme et une femme. Cette rencontre est irréductible à toute recherche de sens, car aucune parole ne peut rendre entièrement compte de cette relation composée d’une multitude d’éléments et de dimensions. Devenir père ou mère est le résultat d’un acte qui engage et qui n’est en aucune manière réductible à un acte biologique ou technique. Il s’agit d’une union de corps, de parole et de mystère.

2. La communauté humaine a toujours été sensible à des situations d’infertilité et de stérilité et à des arrangements pour y remédier. Mais il ne s’agissait pas tant de soulager la souffrance d’un individu, mais bien plutôt de garantir l’ordre social. En tout état de cause, il ne s’agissait pas de la confirmation d’un prétendu « droit à l’enfant ». Aujourd’hui, par contre, au nom d’un droit individuel, on prétend résoudre des cas individuels souvent dramatiques par la voie de la législation, sans réfléchir aux effets, aux changements considérables qu’ils impliquent du point de vue de la représentation de la parenté et des rapports humains dans la société.

3. La question de l’adoption. De quels enfants s’agit-il ?

Dans le cas des adoptions classiques, il s’agit d’enfants dont les parents consentent à l’adoption devant l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent d’élever leurs enfants ou bien d’enfants abandonnés et déclarés adoptables. Il s’agit de donner à ces enfants une famille et la société s’est donné des règles pour choisir des parents adoptifs. Les parents qui demandent d’adopter un enfant n’ont aucun droit à revendiquer. Ils sont le cas échéant déclarés aptes à adopter un enfant, ils ne choisissent pas simplement l’enfant qu’ils vont adopter.

Dans la législation sur l’adoption classique, une différence est faite entre l’adoption simple et l’adoption plénière. Dans le cas de l’adoption plénière, l’enfant n’appartient plus à sa famille d’origine (toute référence à la mère et, le cas échéant, au père de naissance, disparaît au profit des parents adoptifs). Dans l’adoption simple, l’enfant reste inscrit dans sa famille d’origine et les liens avec sa famille d’origine ne sont pas coupés. (cf. Avis 22 de la Commission Nationale d’Éthique, La législation relative aux adoptions et à la problématique de l’accouchement anonyme, 2009). Le nombre des adoptions classiques va très probablement diminuer à l’avenir, alors qu’il y a déjà actuellement moins d’enfants à adopter que de couples prêts à adopter.

Pour ce qui est des enfants vivant avec un couple homosexuel, nés d’une union hétérosexuelle antérieure d’un des deux partenaires, la société se doit d’introduire dans le Code civil, si ce n’est déjà fait, des mesures de protection de ces enfants, leur garantissant les mêmes droits qu’à tous les enfants. De telles dispositions peuvent être faites à court terme, et ce, sans bouleverser la signification du mariage.

Par contre, on peut se demander si l’enjeu implicite du projet de loi ne concerne pas des enfants conçus volontairement à l’intention spécifique des couples homosexuels qui désirent les adopter après. Il s’agit d’enfants portés par une mère lesbienne, éventuellement après insémination artificielle, d’enfants portés par une mère porteuse (éventuellement contre rémunération) à l’intention d’un couple gay, ou d’enfants issus d’un « contrat de co-parentalité » passé entre un couple gay et un couple de lesbiennes.

La question se pose de savoir dans quelle mesure l’adoption pourrait, juridiquement, s’appliquer à ces enfants, sans entrer en contradiction avec d’autres dispositions légales, et notamment la convention internationale des droits de l’enfant.

Une autre question peut être valablement posée dans ce contexte : Faut-il garder deux formes d’adoption ? Ne serait-il pas mieux d’abandonner l’adoption plénière et ne garder que l’adoption simple ? Cela aussi bien pour les couples hétérosexuels, que pour les couples homosexuels ! L’adoption simple garantit en effet à l’enfant, la possibilité et le droit, de pouvoir retrouver – s’il en ressent le besoin – ses parents biologiques et donc ses racines, lui permettant par ce biais de s’insérer dans une histoire, voire même de renouer des relations disloquées.

4. Tout porte à croire que la visée du présent projet de loi n’est pas de partir de la perspective, du point de vue de l’enfant, mais bien de répondre au désir d’enfant d’une communauté basée sur une orientation sexuelle qui revendique, en tant que communauté minoritaire, selon une certaine compréhension du principe de la non-discrimination, le droit à avoir des enfants. Or, le principe de la non-discrimination, pour être applicable, exige l’existence, dans la réalité, d’une discrimination de la majorité à l’encontre de ladite minorité. Tel n’est pas le cas. Il n’y a pas une majorité qui refuserait à une minorité un droit, en l’occurrence celui d’avoir des enfants. Par contre, il faut reconnaître qu’il n’existe pas, et qu’il ne peut pas exister, de « droit à l’enfant », et que ce principe est partagé par toutes les sociétés humaines, même si certains groupes de pression en font une revendication.

Afin de répondre au désir d’enfant de couples homosexuels, le projet de loi remet en cause une conception universelle et stable de la filiation, redéfinit de manière radicale la famille et bouleverse fondamentalement l’identité de l’être humain et de ses relations. Cette nouvelle filiation priverait un enfant soit d’un père, soit d’une mère.

Ce faisant, le projet de loi se met en contradiction avec la convention internationale des droits de l’enfant dont l’article 7 stipule que l’enfant a, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’État luxembourgeois avait émis, à l’occasion de la ratification de ladite convention, une réserve par rapport à cet article, en se reportant explicitement à l’accouchement anonyme qui était d’application au moment de la ratification.

5. Qu’apporterait le mariage comme réponses nouvelles en ce qui concerne la protection des enfants, par rapport à d’autres solutions existantes ou à rechercher dans le cadre d’unions civiles ? Le but est de créer une institution alternative (un mariage alternatif), tout en réduisant en même temps le mariage à un pur contrat, pour régler la question de la filiation d’enfants à naître en dehors de la voie usuelle qui est la rencontre entre un homme et une femme.

Or, le fait de reconnaître aux couples homosexuels le droit de se marier, englobe-t-il automatiquement la reconnaissance du droit d’avoir des enfants, de les faire ou de les faire faire par des techniques biomédicales de plus en plus performantes ?

Si une loi légale venait à décréter qu’il ne faut pas un père et une mère pour venir au monde et pour vivre, tout l’édifice de la construction de l’humain vacillerait. Le réel biologique, qui existe pour tous les êtres humains, impose qu’il y ait un homme et une femme, qu’il y ait la rencontre de ces différences pour faire un enfant. La reconnaissance du droit de se dire parent d’un enfant mis au monde par un autre ou par l’intermédiaire d’un autre revient à refuser de reconnaître à l’enfant le droit d’être fils ou fille de tel père et de telle mère.

Une autre conséquence aux effets non prévisibles à l’heure actuelle concerne l’effacement du Code civil des termes mari, époux, épouse, au détriment des termes conjoints. Cela affectera l’ensemble des rapports de nomination et de filiation. C’est autre chose que l’adoption (adoption simple) par une personne seule. Si aucun père ne se déclare, la place du père reste néanmoins marquée.

6. On peut émettre des craintes quant aux effets de ces techniques d’engendrement. L’acte d’engendrement, ou ce qui en reste, est réduit à un acte de technique biomédicale. Le tiers – donneur de sperme ou d’ovule, anonyme ou pas, la mère porteuse – sera évacué de la filiation.

Or comment peut-on imaginer que l’existence et l’acte de ce tiers puissent ne pas s’inscrire durablement dans les corps de ceux qui ont voulu qu’un enfant leur soit donné de cette manière, et dans le corps de l’enfant qui en est le produit ? Qu’est-ce qui se passe dans le désir et le psychisme de ceux qui s’engageront à permettre la venue au monde d’un enfant (donneur de sperme, mère porteuse), de ceux qui obtiennent cet enfant, et encore une fois dans le désir et le psychisme (relation, affectivité) de cet enfant ?

7. Il est souvent fait référence à des études qui démontreraient que la composition familiale est sans effet sur le développement psychologique des enfants. Ou encore, que les parents homosexuels seraient de tout aussi bons éducateurs que les parents hétérosexuels.

Il n’est pas question de mettre en cause la capacité éducative d’adultes homosexuels. Par contre, il faut, à l’heure actuelle, rester prudent quant à la valeur scientifique de telles études de quelque bord qu’elles viennent (pour des raisons de méthodologie et par rapport à l’objet même de telles études). Il est trop tôt pour en conclure. Si des problèmes peuvent surgir pour des enfants nés et vivants dans les conditions évoqués ici, c’est avant tout au moment où se pose pour eux la question de donner la vie, au moment où ils deviennent père ou mère eux-mêmes. Il s’agit alors de bien autre chose que d’évaluer des composantes de comportements ou des sentiments de bien-être plus ou moins immédiat.

Que pourra-t-on répondre à la question des enfants sur leur origine ? Peut-on dire à l’enfant qu’il est né de la rencontre d’un désir de tel homme et de tel autre homme, ou de la rencontre d’un désir de telle femme et de telle autre femme et qu’il est l’enfant de ces deux hommes ou de ces deux femmes ? Peut-on le dire sans évoquer l’intervention d’un tiers qui s’est engagé avec son corps, et préciser en même temps que cela est sans importance ? Peut-on se contenter d’expliquer à l’enfant qu’il est né de la rencontre in vitro d’un ovule et d’un spermatozoïde ? Que pourra faire l’enfant de telles explications s’il ne veut pas perdre l’amour de ses « parents », sinon « mettre à l’écart » ces explications ? Ces questions finiront par réapparaître au moment où il se posera la question de savoir comment être père ou mère lui-même. Tant qu’il n’aura pas obtenu des mots justes pour dire sa généalogie et sa propre conception, tant que l’histoire des désirs qui ont présidé à sa naissance ne sera pas élucidée, il pourra avoir du mal à se positionner comme père ou comme mère.

8. L’enfant a besoin de parents des deux sexes. Il rencontre l’incomplétude de sa mère qui est différente de l’incomplétude qu’il rencontre du côté de son père. L’identité primaire d’un enfant se construit dans le quotidien avec les parents et n’est pas réductible à des schémas conventionnels. Elle concerne des dimensions du psychisme bien en-deça et/ou au-delà des explications de la théorie du genre. Le développement de l’enfant ne « s’accomplit dans des conditions optimales que si l’enfant peut s’imprégner de la vie commune d’un père et d’une mère et bénéficier, à travers leur présence active, réelle et symbolique, de l’exercice complémentaire d’une fonction paternelle et maternelle, ce qui l’aide à structurer sa personnalité et son identité en tant qu’être sexué. Il s’agit d’un optimum, certes – loin s’en faut – non toujours atteint. Son défaut risque cependant de compromettre l’épanouissement de l’enfant. Ce risque est d’autant plus élevé si l’enfant, par opposition à ceux qui vivent, par suite du divorce des parents ou du décès de l’un d’eux, dans des familles monoparentales, est totalement privé de la présence, même occasionnelle, ou à son défaut (en particulier en cas de décès d’un des parents) à tout le moins du souvenir personnel ou, en son absence, alors à tout le moins du souvenir vivant lui transmis par d’autres personnes, du père ou de la mère absents » (Commission Nationale d’Éthique, Avis n° 22).

9. Le projet de loi finira par définir deux types de mariage :

  • Le mariage hétérosexuel qui pourra bénéficier de l’adoption plénière, et le mariage homosexuel qui aura droit à l’adoption simple : Cependant, ne produit-elle pas une nouvelle forme de discrimination à combattre au nom de l’égalité ?
  • Le mariage hétérosexuel qui préservera la présomption de paternité et le mariage homosexuel qui ne pourra préserver cette présomption de paternité. Le mariage sera ainsi vidé d’une partie de son sens par la dissociation entre conjugalité et procréation.

10. La tendance actuelle à présenter les revendications au profit des couples homosexuels comme étant des revendications progressistes et à stigmatiser toute expression de réserve et de réflexion critique comme étant homophobe ou réactionnaire, voire rétrograde, est une illustration de ces glissements sémantiques qui passent inaperçus tout en bouleversant radicalement la construction de l’humain et de son histoire.

Il est permis d’opposer à cette affirmation deux points de vue :
D’une part, on peut estimer que ces revendications sont l’expression d’un libéralisme qui s’étend de plus en plus dans nos sociétés et qui a fait le choix de poser l’individu comme unité de mesure généralisée : Ce qui plaît à l’individu, ce qui satisfait l’individu dans l’immédiat devient le critère universel, alors que l’humanité repose depuis de longs siècles sur la conviction que l’unité de mesure serait l’humanité et le bien commun.

D’autre part, on peut estimer que ce qui pose problème, ce n’est pas tellement l’homophobie qu’une certaine hétérophobie, à savoir la phobie du réel de la différence des sexes (rabattue à l’occasion à n’être qu’une construction culturelle rétrograde) et qui s’oppose à la jouissance immédiate à laquelle chaque individu a droit à tout moment. Le prix à payer en serait le gommage de toutes les différences et de toutes les asymétries.

Les enfants et le mariage homosexuel

Prise de position de la Commission Diocésaine pour la Pastorale Familiale

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