Frère Raphaël, prêtre pour l’éternité

Mais que peut donc attendre cette foule, sur le parvis de l’église Saint-Henri de Esch, à l’heure du déjeuner, en ce samedi 13 avril ? Plusieurs centaines de personnes font la queue, joyeusement et sereinement, sous un soleil presque trop chaud, pour une raison que beaucoup jugeraient saugrenue dans notre pays si matérialiste. Elles patientent, en effet, pour recevoir un bien sans prix : la bénédiction d’un nouveau prêtre, père Raphaël.

Né en 1989, Raphaël a grandi en France, en Haute-Savoie, dans une famille catholique très engagée dans l’Église. Le scoutisme et les camps de jeunesse ont éveillé très tôt son sens pédagogique. Il a fait des études dans les domaines humanitaire et financier puis a passé une année à l’institut Philanthropos en Suisse. Diplômé d’un master en entreprenariat, il a co-fondé une start-up. Sa vie semblait sur des rails.

Tout a changé il y a sept ans, lors du triduum pascal de 2017. En cette église Saint-Henri ce triduum s’acheva, pour le jeune homme par « l’appel de Jésus sur mon cœur, un appel net, indéfectible, aussi pur que de l’eau de roche ». En septembre 2017, Raphaël a tout laissé pour entrer dans la fraternité Verbum Spei et suivre sa formation au séminaire de Saltillo, au Mexique. Une formation qui se voit parachevée ici, sept ans plus tard, par son ordination.

Ce samedi 13 avril, c’est le cardinal Jean-Claude Hollerich qui préside la cérémonie. Monseigneur Wagener, évêque auxiliaire, concélèbre ainsi qu’une vingtaine de prêtres du diocèse. Dans son homélie, Mgr Hollerich rappelle le rôle du prêtre : « le prêtre est toujours et avant tout un homme de l’Église tout entière. Il est aussi là pour aider les évêques, ce qui me réjouit. » Commentant l’évangile de la barque dans la tempête et des disciples qui sont saisis de peur (Jn 6, 16-21), le cardinal souligne que « ce texte montre que l’on est au service de Jésus. Ce ne sont pas les dons que nous pourrions avoir qui sont déterminants pour le succès de l’évangélisation. C’est si nous laissons le Seigneur agir en nous. » Nos peurs ne sont pas mauvaises en elles-mêmes. « Elles sont une occasion de creuser l’humilité pour voir que ce n’est pas le prêtre qui fait de grandes choses mais que c’est le Christ. » Avec Jésus, tout est possible.

Notre archevêque poursuit par des conseils paternels. « Par tes paroles, le pain et le vin deviendront le corps et le sang du Christ. Il faut que ce geste eucharistique s’insère dans une vie où tu apportes le sacré, la sainteté, dans tous les vécus ordinaires. Pour cela, il faut être un homme de prière. Il faut te laisser toucher à tout moment par la sainteté de Dieu et tu verras que la sainteté de Dieu te transformera. Les moments d’adoration que vous avez ensemble en fraternité creuseront en toi cette disponibilité pour la sainteté. Vis l’Évangile de sorte qu’en voyant ta vie les gens puissent croire à tes paroles. Sois un homme de Dieu, parce que Dieu t’a appelé et parce que l’Église, par ton ordination, confirme cet appel ».

Après l’homélie se déroule le rite d’ordination. Frère Raphaël s’engage solennellement à servir et guider sans relâche le peuple de Dieu sous la conduite de l’Esprit Saint, à annoncer l’Évangile, à célébrer avec foi les mystères du Christ, à rester assidu à la prière, à s’unir toujours davantage au Seigneur. Agenouillé devant le Cardinal, ses mains jointes entre les mains de celui-ci, le futur prêtre promet de vivre en communion avec son évêque et avec son supérieur, dans le respect et l’obéissance. Il va ensuite se prosterner devant l’autel, face contre terre, signifiant ainsi la remise totale de lui-même, pendant que tous chantent les litanies des saints. Puis il s’agenouille à nouveau devant Mgr Hollerich qui lui impose les mains en silence, appelant sur lui l’Esprit-Saint et la bénédiction de Dieu. Tous les prêtres présents, un à un, s’approchent et font de même. Dans l’Église pourtant pleine à craquer, un grand calme règne, le calme de la prière fervente, simplement interrompu parfois par une remarque enfantine.

L’imposition des mains passée, la solennelle prière d’ordination est lue par notre archevêque. Se relevant, frère Raphaël revêt les vêtements sacerdotaux, l’étole et la chasuble, aidé du père Wandrille et du père Joaquim, avant de revenir s’agenouiller devant le cardinal qui procède à l’onction des paumes de ses mains avec le Saint Chrême, signifiant le don du Saint Esprit qui fortifie le prêtre, puis lui remet le pain et le vin qui deviendront le Corps et le Sang du Seigneur. Le baiser fraternel est donné au nouvel ordonné par Mgr Hollerich puis par tous les prêtres présents qui marquent ainsi qu’ils sont en communion de ministère. Les applaudissements explosent dans l’assistance accompagnant l’exultation du Magnificat. La messe se poursuit, la première du père Raphaël. Le grand mystère s’accomplit. Par les paroles de la consécration, le pain et le vin deviennent le Corps et le Sang du Christ.

Après la communion vient d’heure des remerciements. Le père Raphaël, très ému, vient à l’ambon. On lui procure avec humour une boîte de mouchoirs en papier. Rires dans l’assemblée. « Dans la famille, on se met très vite en colère, mais aussi on pleure très vite », explique le jeune prêtre. Son action de grâce va d’abord à son Père du Ciel et à la Vierge Marie, sa « tendre Mère, si douce, si forte ». Puis à ses parents et à sa fratrie, aux éducateurs qui ont ouvert son cœur à la sagesse, aux frères de la Fraternité Verbum Spei qui lui apprennent « à aimer et à être aimé, à pardonner et à être pardonné, à donner et à recevoir », à Mgr Hollerich, à l’assemblée si nombreuse et aux Eagles, les enfants et adolescents qui participent aux activités de la Fraternité. Il termine par une supplique : « s’il-vous-plaît, priez pour moi ».

Sous un soleil éclatant, et avant une tartiflette géante qui nourrira près de 400 personnes, c’est dehors que la file des amis et des fidèles s’allonge pour se faire bénir par le père Raphaël. Des Eagles brandissent des panneaux de remerciements tandis que d’autres servent l’apéritif, les instruments rythment des chants joyeux, anciens ou modernes, certains péruviens ou catalans. L’Église du Christ au Luxembourg exulte !