Avec « l’Ordre des vierges » nous retournons aux racines de la Vie consacrée. La trace des premières vierges consacrées, vocation exclusivement féminine, nous conduit au cœur de la vie des premières communautés chrétiennes, voire des grands centres du catéchuménat. Voici des femmes qui par amour vont renoncer librement à la beauté du mariage avec sa propre fécondité pour embrasser le célibat consacré au Christ, témoignant ainsi de la résurrection de leur Maître en lui offrant toute leur existence.

Proche de l’Ordre des veuves et de celui des ermites, les vierges consacrées font partie de la Vie consacrée à côté d’autres femmes consacrées au même titre dans un Institut séculier ou dans une des nombreuses communautés religieuses de vie apostolique ou contemplative.  La spiritualité des vierges consacrées connaît une tonalité sponsale et ecclésiale. Leur vie est marquée par une solitude plus explicite. Pourtant elles peuvent s’associer à d’autres selon les circonstances culturelles où sociales.

À l’heure actuelle l’Ordre des vierges n’a cessé de refleurir dans de nombreux diocèses du monde. Parmi elles des femmes de tous âges, engagées pour la plupart du temps dans un service ecclésial : en paroisse, en milieu hospitalier ou éducatif, dans des tiers-lieux de formation, des séminaires, des universités, ou alors dans une profession libérale ou un engagement spécifique dans une institution laïque. Ce n’est qu’à partir du IVème siècle que cette forme de vie consacrée a été relayée par d’autres formes d’engagement pour le Christ dans une communauté monastique avant de disparaître totalement au cours du Moyen Âge.

C’est Dom Guéranger (1805-1875) qui remettra entre autres la consécration des vierges à nouveau en valeur, tenant à ce que les sœurs bénédictines de l’abbaye Sainte-Cécile de Solesmes reçoivent la consécration des vierges au moment de leur engagement définitif. Cependant cette remise à l’honneur ne dépassera pas la vie cloîtrée.

C’est ainsi qu’il a fallu attendre le Concile Vatican II où les Pères conciliaires vont insérer au N°80 de la Constitution sur la Liturgie (Sacrosanctum concilium) une note qui invite à rénover le rituel de la consécration des vierges pour des femmes vivant en plein monde.

Dans l’Archidiocèse de Luxembourg il y a plusieurs vierges consacrées : Anise Metz, engagée comme auxiliaire pastorale à Echternach ; Josiane Binsfeld, vivant un engagement spécifique dans la pastorale des malades et des personnes âgées ; Maggy Kaiser, catéchète retraitée et Renée Schmit, déléguée épiscopale à l’évangélisation et la formation diocésaine.

Il y a quelques mois une quinzaine de femmes appartenant à l’Ordre des vierges ont été accueillies au Luxembourg. Venues de la Belgique, de Suisse et du Luxembourg, elles étaient rassemblées pour un temps de récollection à la Fondation de Medernach. Le week-end placé sous le thème « La vocation de la vierge consacrée au cœur d’une Église synodale » a été une belle opportunité pour vivre un moment intense à l’écoute des unes et des autres et de ce que l’Esprit dit actuellement à son Église. À côté des topos donnés par le prof. em. Dr. Josef Freitag le Cardinal Hollerich a rejoint le groupe pour un temps de partage sur la synodalité et une célébration eucharistique vécue en petit groupe. Parmi les participantes il y avait Françoise, infirmière retraitée depuis deux ans ; Cécile, médecin généraliste ; Sarah Emmanuelle ; professeur de latin et de grec au Séminaire de Leuwen ; Marie-Agnès, animatrice pastorale à la Basilique du Koekelberg ; Marie-Claire qui fut longtemps engagée auprès des gitans et dans la pastorale paroissiale et Nathalie, infirmière et psychanalyste, accompagnant des retraites dans un Centre spirituel.

Toutes les vies de ces femmes ont été marquées par un amour exclusif du Christ, scellé (après un temps de préparation  de trois ans) le jour de leur consécration dans un acte liturgique à caractère public. Depuis lors elles portent un anneau au doigt pour témoigner de l’alliance éternelle que le Christ-Époux est venu sceller avec toute l’humanité. L’évêque représentant le Christ-Époux, il en va de soi que la consécration des vierges est présidée par l’ordinaire du lieu d’après un rituel propre et qui est un les plus anciens et des plus riches que la liturgie catholique romaine connaît.

Lors de son passage à Medernach l’Archevêque a rappelé les exigences relatives à cette vocation marquée par un appel ecclésial et un sens explicite de la mission. C’est à la même occasion que le Cardinal Hollerich est revenu aussi sur le document final du dernier Synode, soulignant son importance pour tous les fidèles et pour les vierges consacrées en particulier, car il en va de la dynamique synodale dans les Églises particulières dont nous sommes toutes et tous responsables au titre de notre baptême.

Et même si le charisme de la virginité consacrée semble encore peu connu au Luxembourg, cette vocation est répandue dans le monde entier et connue dans beaucoup de milieux différents, avec plus de cinq mille vierges consacrées. Un bon nombre d’entre elles participera sans doute en octobre 2025 au grand Jubilé de la Vie consacrée à Rome.

Dans un monde compliqué et exigeant cette vocation ecclésiale vécue comme un je t’aime au cœur du monde nécessite un discernement de la part de l’évêque et une grande maturité de la part des candidates. Plus tard, chaque vierge consacrée a besoin de lieux de ressourcement ou de temps de relecture, sans omettre un accompagnement spirituel régulier. Le Cardinal Jean-Claude Hollerich a reconnu aussi la responsabilité des évêques envers celles qu’ils ont consacrées : « Vous avez une mission au sein de l’Église, une place, un charisme à faire fleurir. Quelle force prophétique cachée dans la Vie consacrée pour l’Église et le monde ! ». Les vierges consacrées savent que par leur engagement ecclésial exprimé sous le mode d’un propositum de vie remis entre les mains de l’évêque, elles sont tenues à un rythme de prière enraciné dans la liturgie des heures qui passe avant toute action.