Comment être une Église synodale en mission ?
Communion, participation, mission, ces trois mots accompagneront la seconde session du Synode sur la synodalité.
Du 2 au 27 octobre prochain, experts et pères synodaux appuieront leurs travaux sur le document de travail, l’Instrumentum laboris, présenté le 9 juillet par le secrétaire général du Synode, le cardinal Mario Grech, et le rapporteur général du Synode, qui n’est autre que notre archevêque, le cardinal Jean-Claude Hollerich. Intitulé « Comment être une Église synodale en mission ? », que retenir de ce texte ?
Voyons tout d’abord comment il a été rédigé. « La préparation de la deuxième session est nécessairement fondée sur ce qui a émergé de la première session, et a été recueilli dans le rapport de synthèse. »* Sur cette base, une nouvelle consultation de toutes les Églises locales a été lancée – notre diocèse y a répondu – à partir de cette question fondamentale : « comment être une Église synodale en mission ? ». Les réponses sont venues du monde entier, envoyées par la plupart des conférences épiscopales et des organismes continentaux de regroupements d’Églises locales, les Églises orientales catholiques, les diocèses qui ne font pas partie d’une conférence épiscopale, les Dicastères de la Curie romaine, l’Union des Supérieurs généraux et l’Union internationale des Supérieures générales représentant la vie consacrée. Des témoignages d’expériences et de bonnes pratiques et les observations de près de deux cents réalités internationales, facultés universitaires, associations de fidèles, communautés et individus ont également été recueillis. L’ensemble a constitué la base pour le processus de rédaction de l’Instrumentum laboris écrit pour la deuxième session, en enracinant celui-ci dans la vie même du Peuple de Dieu à travers le monde. De ces contributions ressort que « les fruits de l’adoption de la méthode de la conversation dans l’Esprit sont réaffirmés »*.
À cette base sont venus s’ajouter d’autres travaux : ceux de la rencontre internationale « Curés de paroisse pour le Synode » qui s’est tenue du 28 avril au 2 mai 2024 à Rome et ceux des cinq groupes d’études constitués par la Secrétairerie Générale du Synode, « en vue d’un approfondissement théologique et canonique de la notion de synodalité et de ses implications pour la vie de l’Église. »*
L’étude de tous ces matériaux a été confiée à un groupe d’experts, composé d’évêques, de prêtres, d’hommes et de femmes consacrés et laïcs, théologiens, canonistes et biblistes, provenant de tous les continents et ayant des responsabilités ecclésiales diverses. L’Instrumentum laboris est le résultat de leur travail.
Concrètement, après une introduction, le texte comporte une première section intitulée « fondements », puis trois parties : relations, parcours, lieux. Chacune de ces parties dresse un état des lieux et synthétise les thèmes sur lesquels devront se pencher les participants au Synode.
Avant toute chose, les rédacteurs du document cherchent à « esquisser les fondements de la vision d’une Église synodale missionnaire »*, en nous invitant à approfondir notre compréhension du mystère de l’Église. Le processus synodal a été l’occasion de prendre conscience de ce que signifie être ce Peuple de Dieu rassemblé comme Église qui, telle la Lune, reflète une lumière qui n’est pas la sienne mais qui est celle du Christ, Lumière des peuples. Les auteurs insistent également sur l’appel à la conversion et à la réforme : « Aucune réforme ne peut se limiter aux structures seules. Elle doit s’enraciner dans une transformation intérieure selon les ‘sentiments de Jésus-Christ’ (Ph 2, 5). »*
Dans la première partie, « Relations », le document de travail envisage les différents réseaux de relation. La relation de chacun au Christ d’abord, par l’initiation chrétienne qui culmine dans l’Eucharistie dominicale. Les relations au sein du peuple de Dieu par les charismes spécifiques et les différents ministères. Les relations avec les ministres ordonnés, qui ont pu, grâce au processus synodal, exprimer leur joie, leur engagement et leur dévouement, mais également une certaine difficulté, liée principalement à un sentiment d’isolement. Enfin, les relations entre les Églises et dans le monde sont l’occasion de pratiquer concrètement « l’échange de dons » matériels et spirituels.
Après cette exposition des différentes formes de relations, la deuxième partie « met en lumière les processus qui contribuent à soigner et développer les relations, en particulier cette dimension de l’union au Christ en vue de la mission, et celle de l’harmonie de la vie communautaire qui requiert la capacité d’affronter ensemble les conflits et les difficultés »*. Cette partie aborde la formation, en particulier la formation à l’écoute (de la Parole de Dieu, des frères et sœurs et de la voix de l’Esprit) et la formation au discernement. Elle reflète également les réflexions concernant l’articulation des processus décisionnels et la responsabilité qui en découle.
Enfin la troisième partie concerne les « lieux », c’est-à-dire les contextes et les cultures spécifiques. Le message du Salut est unique mais il s’exprime dans la diversité des peuples, des cultures, des traditions et des langues. L’Église locale, lieu privilégié où nous pouvons faire l’expérience de la vie missionnaire synodale de toute l’Église, doit aujourd’hui se confronter à des conditions socioculturelles qui la modifient profondément : urbanisation, globalisation, environnement numérique. Les contributions reçues soulignent l’importance des différents conseils (paroissiaux, doyenné…) et demandent leur renforcement, qui passerait sans doute par la révision de leur mode de fonctionnement et par l’attention portée à leur composition. Un travail est également demandé au Synode sur les structures hiérarchiques orientales et les conférences épiscopales. Enfin, « répondre à la question « Comment être une Église synodale en mission ? » demande aussi un réexamen de la manière d’articuler synodalité, collégialité et primauté, afin de nourrir les relations institutionnelles par lesquelles elle s’exprime concrètement. »*
Parallèlement à la rédaction de ce document de travail, la mise en œuvre concrète des orientations prises par la première session du Synode a démarré de plusieurs manières. D’une part, les dix groupes d’études lancés par le Saint-Père sur certains thèmes précis ** ont commencé leurs travaux. Leurs rapports d’étape seront présentés au Synode en octobre avant les textes définitifs attendus en juin 2025. D’autre part, une Commission de droit canonique au service du Synode a été créée. Enfin, le Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar a mis en place une Commission spéciale chargée de discerner les implications théologiques et pastorales de la polygamie pour l’Église d’Afrique.
Dans sa brève conclusion, l’Instrumentum laboris « nous interpelle sur notre façon d’être une Église synodale missionnaire, de nous engager dans une écoute et un dialogue profonds, de vivre la coresponsabilité à la lumière du dynamisme de notre vocation baptismale, tant personnelle que communautaire, de transformer les structures et les processus pour permettre à tous de participer et partager les charismes que l’Esprit répand sur chacun pour le bien commun, et à exercer le pouvoir et l’autorité comme un service. » Autant de réflexions que chacun de nous peut mener individuellement et dans sa communauté.
* Instrumentum laboris pour la deuxième session de la XVIème assemblée générale ordinaire du Synode des évêques.
** Les thèmes des dix groupes de travail sont les suivants :
1. Quelques aspects des relations entre les Églises orientales catholiques et l’Église latine.
2. L’écoute du cri des pauvres.
3. La mission dans l’environnement numérique.
4. La révision de la Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis dans une perspective synodale missionnaire.
5. Quelques questions théologiques et canoniques autour de certaines formes spécifiques de ministère, y compris l’admission des femmes au ministère diaconal.
6. La révision, dans une perspective synodale et missionnaire, des documents qui règlent les relations entre les évêques, les religieux et les agrégations ecclésiales.
7. Certains aspects de la figure et du ministère de l’Évêque dans une perspective synodale et missionnaire.
8. Le rôle des Représentants pontificaux dans une perspective missionnaire synodale.
9. Critères théologiques et méthodologies synodales pour un discernement partagé des questions doctrinales, pastorales et éthiques controversées.
10. La réception des fruits du cheminement œcuménique dans le Peuple de Dieu.
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