“Un nouveau départ, comme Abraham...”
En octobre dernier, les Missionnaires du Père Kolbe ont quitté la capitale pour s’installer dans le nord du pays. Pourquoi ce départ ?
Rosella, Maria Cristina et Enrichetta sont les trois Missionnaires de l’Immaculée du Père Kolbe, un Institut séculier, de droit pontifical, installé au Luxembourg depuis plus de trente ans. La première maison des Missionnaires se trouvait à Hollerich, où elles se sont installées en 1991. En 2020, elles ont emménagé au Cents, et en octobre dernier, les Missionnaires ont quitté la capitale pour s’installer dans le nord du pays, à Diekirch. Pourquoi ? Nous avons saisi cette occasion pour rencontrer les Missionnaires (Cristina n’était pas présente le jour de notre visite) dans leur nouvelle maison qui accueille, ce vendredi 10 janvier, l’archevêque de Luxembourg, le cardinal Jean-Claude Hollerich, pour une visite et la célébration de la messe.
Que faites-vous à Diekirch après plus de trente ans passés à Luxembourg-ville ?
Rosella - Nous avons reçu cet appel. Nous sommes en train d'accueillir ce projet qui n'est pas le nôtre, car c'est le Seigneur qui nous a envoyées ici. Comme la Vierge Marie, nous essayons de comprendre par où et comment le Seigneur veut nous conduire.
Et comment a surgit cette opportunité ?
Rosella – Il y a deux ans, nous avons organisé un accueil pour des personnes qui sont venues vivre avec nous pendant deux mois. Le thème était « Être disciples missionnaires ». Nous avons vécu une très belle expérience au cours de laquelle nous avons pu partager la vie quotidienne, prier, faire un discernement ensemble. Elles ont eu un accompagnement spirituel, elles ont appris à mieux connaître la Vierge et se sont consacrées à Elle. Cette expérience, nous l’avons faite à Cents, et c’était enrichissant pour toutes. Mais d’un point de vue logistique c'était parfois compliqué car ces quatre personnes étaient reçues dans des foyers amis, à 30 ou 40 kilomètres de notre maison. Alors, à l’occasion de la neuvaine de l’Immaculée, nous lui avons exprimé notre désir : « Si tu désires que nous continuions à vivre des expériences comme ça – d’accueil, de vie ensemble, pour aider les personnes à découvrir leur vocation chrétienne et à devenir des disciples missionnaires –, nous avons besoin d’une maison plus grande. »
Et la maison est apparue ?
Rosella - Nous avons fait une nouvelle neuvaine à la Vierge, au mois de juin, et deux jours après la fin de la neuvaine, les sœurs de Sainte Élisabeth nous ont téléphoné pour nous dire qu'elles avaient une maison libre. Je ne sais pas pourquoi elles ont pensé à nous…
C’est pour cela que je dis que maintenant nous sommes en train de comprendre ce que le Seigneur désire de nous avec cette maison, dans cette ville. Le cadeau est arrivé, mais il manque encore le mode d’emploi ! (Rires)
Je crois qu’il s’agit d’un accueil spirituel, pour aider les personnes à faire une petite expérience de vie communautaire, comme cela se faisait avec Jésus à la maison de Béthanie.
D'où venaient les personnes que vous avez accueillies ?
Rosella - Du Burkina Faso. C'était par l'intermédiaire d'une missionnaire burkinabée qui vit en Italie. Nous savions qu’elle serait heureuse de pouvoir offrir quelque chose à son pays : une formation, un accueil.
Nous avons mis en place un projet de solidarité avec des personnes qui ont soutenu cette initiative. Au début, nous nous étions dit : « Bien, on peut en accueillir une ». Puis, il y en a eu une autre, puis encore une autre. Et nous nous demandions : « Mais qui allons-nous laisser dehors ? ». C’était impensable pour nous de dire : « Oui, toi tu viens, mais toi non ». Chaque fois que nous faisions un pas, nous demandions au Seigneur de nous confirmer, et tout était confirmé, jusqu’au dernier jour.
À un moment donné il y avait un problème avec les visas : ils n’étaient toujours pas arrivés, alors que nous avions déjà émis les billets d’avion et que le départ était prévu pour le lendemain. Je me rappelle avoir reçu un appel m'informant qu’il manquait un petit document de la banque. Je ne savais plus quoi faire ni à qui m’adresser. J’étais complètement dépassée. À ce moment-là, j’ai dit au Seigneur : « Seigneur, écoute ! Ce n’est plus mon domaine. Moi, je n’arrive plus à gérer cela. C’est Toi qui t’en occupes ». Une heure plus tard, quelqu’un m’a appelée pour me dire : « Tu dois faire ceci et cela. Appelle la banque et demande ceci ». Je me suis dit : « Mais c’est impossible, c’est vendredi… », mais je l’ai fait.
Le monsieur de la banque m’a dit que le document ne serait prêt que pour lundi. Mais je lui ai répondu : « Non, demain les personnes doivent voyager ». Dans ma tête, je pensais : « Ce n’est pas mon affaire ». Et pourtant, le document est arrivé, et les personnes ont pu voyager. C'était une expérience un peu… forte.
Cela nous a permis d'entrer en contact avec tout un monde difficile. Elles vivent au Burkina dans des lieux, comment dire, des lieux chauds, des endroits marqués par le terrorisme, etc. Quand elles sont arrivées, elles ont apporté avec elles tout leur vécu. Alors, nous les écoutions, elles se sont exprimées, puis elles sont reparties avec le cœur en paix.
Quelle est votre routine ? Votre emploi du temps ? Quelle est votre mission ?
Rosella - Nous essayons de vivre des temps avec le Seigneur et d’offrir du temps à nos frères et sœurs. Nous voulons offrir une opportunité de vivre une expérience spirituelle et fraternelle, une expérience de vie ensemble. Et puis, je pense que les personnes ont besoin d’écoute…
Quelqu’un qui les écoute ?
Rosella - Oui, souvent, les gens ont besoin que quelqu’un prenne le temps d’écouter leurs difficultés. Ils ont besoin d’un espace pour ouvrir leur cœur. Aujourd’hui, on va souvent chez des psychologues ou d’autres professionnels, parce qu’on porte des blessures ou des vécus difficiles. Les personnes ont besoin de parler, de partager un souci ou un problème. Chaque jour, nous portons tant d’intentions dans la prière du « Cénacle Kolbe » ! Le Cénacle est composé de personnes qui prient via zoom, en différentes langues et de plusieurs pays.
C’est ce que nous essayons de créer ici : une vie fraternelle, une écoute, dans un espace protégé bien sûr. Tout cela est accompagné de la rencontre avec le Seigneur. Nous avons la grâce d’avoir le Saint-Sacrement à la maison, et la prière de la communauté soutient ceux qui viennent. Ils peuvent également, dans la mesure du possible, partager une vie de prière avec nous, dans la simplicité.
Mais revenons à votre routine...
Rosella - Le matin, chacune se lève à son rythme et commence avec la prière personnelle, mais nous tenons à avoir aussi des moments de prière ensemble, car cela nourrit la vie fraternelle.
Et quels sont ces moments ?
Rosella - Nous nous retrouvons pour prier les Laudes ensemble ou pour partager autour de la Parole de Dieu. La Parole est notre phare. Nous avons des temps où nous lisons la Parole ensemble, nous l’écoutons et essayons de discerner où le Seigneur veut nous conduire. La Parole doit orienter nos chemins, nos décisions, notre style de vie. C’est à partir de l’écoute de la Parole et du discernement communautaire que nous prenons nos décisions. Chaque jour, nous avons un moment de prière fraternelle inspirée par le style de Marie : Marie qui médite en son cœur la Parole ; Marie qui écoute la Parole ; Marie qui se met en marche pour aller vers les autres ; Marie qui chante le Magnificat. Nous avons aussi des temps pour louer le Seigneur, le remercier, chanter…
Vous avez une spiritualité très mariale...
Rosella - Oui, nous sommes les Missionnaires de l’Immaculée Père Kolbe. C’est notre charisme : vivre notre totale donation à Jésus à travers Marie. Nous avons donné notre vie à Marie, et c’est par elle et avec elle que nous vivons notre relation avec Jésus, dans Son Cœur. Nous apprenons d’elle à aimer Jésus, à écouter la Parole, et à nous mettre en route pour aller vers les autres.
Bon, j'ai compris que vous avez laissé des cœurs brisés, détruits, à Luxembourg-ville…
Rosella - Non… (rires) Nous ne sommes pas si importantes. Mais nous avons pris la décision d’aller une fois par semaine à Luxembourg-ville pour animer des rencontres : nous passons un jour par semaine soit au Sacré-Cœur, soit à Bonnevoie pour une heure d’adoration eucharistique, animer une messe, écouter les personnes.
Et comment Diekirch vous a-t-elle accueillies ?
Rosella - Très bien. La communauté paroissiale nous a accueillies le 19 octobre, avec une messe où nous avons pu nous présenter. Ils avaient déjà écrit quelque chose sur nous dans le bulletin paroissial, et ce jour-là nous avons présenté notre communauté. Notre communauté n’est pas composée seulement des Missionnaires de l’Immaculée Père Kolbe. Elle s’est élargie et inclut aussi les Volontaires de l’Immaculée Père Kolbe : ce sont des laïcs engagés, agrégés à l’Institut, qui partagent notre spiritualité et notre mission tout en continuant leur vie là où ils sont. Ils peuvent être mariés, et ils font partie de notre communauté. Ici, à Diekirch, grâce à la possibilité d’accueil, nous envisageons aussi de vivre une expérience un peu plus élargie : missionnaires et peut-être une Volontaire de l’Immaculée qui viendrait partager du temps avec nous.
Cela fait deux mois que nous sommes arrivées ici. C’est encore tôt pour prendre des décisions. Ce n’est pas quelque chose qu’on avait prévu avant. Si tu réfléchis à l’avance, tu sais déjà où tu veux aller, mais pour nous, c’est le contraire : nous avons reçu cette maison… Et c’est pourquoi je dis que maintenant nous sommes en train de découvrir les cadeaux et les chemins du Seigneur, pourquoi Il nous a appelées ici.
Encore sur votre routine…
Rosella - Chacune de nous a son travail. Enrichetta par exemple, s’occupe de notre bulletin “Spes Nostra”, que tu connais très bien... On gère aussi des projets de solidarité, surtout dans les pays d’Amérique latine, là où nos missionnaires travaillent. À travers ces projets, nous pouvons rejoindre des personnes défavorisées et soutenir des initiatives locales. Maria Cristina et moi, nous animons des rencontres de spiritualité, organisons des parcours de formation, des moments de prière. Par exemple, pendant la neuvaine de l’Immaculée, nous avons proposé un parcours tous les soirs dans la petite chapelle de Schoenstatt, ici à Diekirch.
C’est beau. C’est un nouveau départ, comme Abraham, quand le Seigneur dit : « Va, quitte ton pays et pars vers la terre que je te donnerai », c’est tout à recommencer. Mais Il donne toujours une promesse. Une promesse de vie. C’est très important pour nous de savoir qu’il y a une promesse derrière. Nous avons quitté la maison à Luxembourg-Ville – bon, nous n’avons fait que 40 km… Au Brésil, je faisais parfois 3 500 km pour aller visiter quelqu’un ! Et pourtant, ici, les gens nous disent : « Maintenant, vous êtes très loin »… (rires). Mais peu importe la distance : nous nous sommes mises en route, et maintenant, nous savons que c’est le Seigneur qui nous conduira.
Vous êtes les Missionnaires de l’Immaculée - Père Kolbe. Quel est le lien entre le père Kolbe et la Vierge ?
Enrichetta - Maximilien Kolbe*, quand il était petit, a vu la Vierge. Il avait 10 ans. Elle lui a présenté deux couronnes, une blanche et une rouge, et lui a demandé laquelle il choisissait. Il a choisi les deux, parce qu’il savait que sa vie allait être pour l’Immaculée. Il a parlé de tout cela à sa mère seulement quand elle a remarqué un changement de comportement chez son fils : il n'était plus terrible comme avant. Elle se disait : « Il est malade, mon fils, parce qu’il est devenu tout sage d’un coup. Qu’est-ce qui se passe ? »
À treize ans, il est entré au petit séminaire. Mais il a aussi traversé une crise, car il ne voulait plus être prêtre : il voulait combattre pour la Pologne. Après, il a compris qu’il devait combattre pour le Royaume de Dieu et pour l’Immaculée. À vingt-et-un ans, il était déjà docteur en philosophie et en théologie. Je résume sa vie. À Rome, où il étudiait, il a vu les cortèges de la franc-maçonnerie. C’est là qu’il a dit : « Pourquoi les forces du mal doivent-elles travailler autant alors que nous, les chrétiens, restons indifférents ? Nous n’avons pas une force qui puisse nous conduire ? » Alors, il a décidé que la Vierge Immaculée serait notre guide pour combattre le mal.
Il a fondé la Mission de l’Immaculée en 1917, l’année même des apparitions de Fátima, le 16 octobre, tout près des événements de Fátima. Il n’y avait pas WhatsApp (rires), donc il ne savait pas ce qui se passait là-bas ! Il a fondé la Mission de l’Immaculée pour conduire tout homme à Dieu à travers l’Immaculée. Toute sa vie, il n’a fait que cela : tout son apostolat était pour conduire les hommes à Dieu à travers l’Immaculée. C’est cette mission que nous avons héritée de lui, développée ensuite par le Père Luigi Faccenda, le fondateur de notre Institut. Ce prêtre franciscain a accueilli et approfondi cet aspect marial : conduire les hommes à Dieu à travers l’Immaculée.
Rosella – Nous sommes très reconnaissantes à l’Église de Luxembourg de nous accueillir ici depuis plus de 30 ans et de nous donner la possibilité de vivre notre mission, notre présence mariale dans ce pays marial. C’est très beau. Nous ressentons une grande reconnaissance envers les Sœurs de Sainte Elisabeth pour leur générosité. Nous disons merci aussi à tous ceux qui nous soutiennent de différentes manières.
* Maximilien Kolbe est mort en 1941 après avoir offert librement sa vie dans le camp de concentration nazi d’Auschwitz pour sauver un père de famille qu’il ne connaissait pas. Le pape Jean-Paul II a proclamé saint le père Kolbe le 10 octobre1982.
Entretien réalisé par Domingos Martins
Pour prendre contact avec les Missionnaires :
Missionnaires de l'Immaculée - Père Kolbe, Asbl
41, Rue de l'Hôpital
L-9244 Diekirch
Tél +352 48 19 98
spesnos@pt.lu
http://www.kolbemission.org
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé de l’actualité de l’Église catholique au Luxembourg, inscrivez-vous à la Cathol-News, envoyée tous les jeudis, en cliquant ici.
Highlights
-
D’Mass vum 26. Januar gëtt vu Wuermer iwwerdroen
D'Sonndesmass an de Medien
-
Rome pour l’Année sainte avec LuxPélé
Cinq formules sur les traces des premiers chrétiens, avec encadrement spirituel et audience avec le Pape. Inscrivez-vous !
-
Pot du Nouvel An de l’archevêché - Neijoerschpatt 2025
Ce lundi 20 janvier, l’Archevêque de Luxembourg a reçu les employés et les bénévoles de l’Église catholique.
-
Ganze Lektüre der Evangelien, die Heilige Schrift wiederentdecken
Markus lesen mit dem Centre de formation diocésain Jean XXIII und Lukas in Echternach.