
Abbé Yves Olinger : « il faut vivre sa foi en s’ancrant dans une communauté concrète »
Yves Olinger a longtemps tenu sa vocation à distance. Entretien avec cet ancien instituteur devenu prêtre (dossier "vocations" 5/5).
Juste avant le début de l’Octave, nous sommes allés à la rencontre de l’abbé Yves Olinger. Ordonné prêtre à plus de quarante ans, son parcours est à la fois très classique et assez inhabituel. Très classique car il est né au Luxembourg et y est aujourd’hui prêtre diocésain. Assez inhabituel par le temps qu’il a pris avant de répondre à l’appel de Jésus. Nous terminons notre dossier sur les vocations par cette décision mûrie au fil des ans, fruit d’un discernement méthodique.
Père Yves, comment avez-vous reçu la foi ?
Je suis né en 1978 et je suis l’aîné de trois garçons. Mon plus jeune frère était porteur de trisomie 21 et il nous a quitté déjà. J’ai grandi dans une famille catholique, nous allions à la messe le dimanche et également en semaine et nous participions aux activités de la paroisse. La prière faisait partie de notre vie.
La famille n’a pas été pour moi le seul lieu de transmission de la foi. J’ai été servant d’autel et j’ai également fait du scoutisme, en choisissant d’entrer aux Lëtzebuerger Guiden a Scouten, qui était alors un mouvement catholique.
Dans mon village, je me souviens qu’il y avait énormément de premières communions, mais très vite j’ai été le seul de ma génération à la messe dominicale.
Vous avez pourtant persévéré.
Oui, et une chose m’a particulièrement marqué, quand je suis arrivé au secondaire. La Jeunesse Étudiante Chrétienne (JEC), rattachée aux Jésuites, a envoyé une invitation à tous les élèves de 7ème. Mon père m’a incité à y aller et il a bien fait, cela m’a vraiment plu. J’ai arrêté le scoutisme et je suis entré dans ce mouvement de jeunesse, qui m’a aidé à vivre ma foi. Puis j’ai fait des études d’instituteur, à l’époque l’institut était au château de Walferdange. J’ai été ensuite pendant treize ans enseignant en école primaire à Luxembourg-Ville, avant d’entrer au séminaire.
Comment est née et a grandi votre vocation ?
Il y a trois grandes classes de vocations : celle qui émerge dans l’enfance et qui demeure, celle née d’une conversion à l’âge adulte, et celle issue du discernement. Je me place dans la troisième catégorie. Pourquoi pas devenir prêtre ? C’est une question que tout homme croyant qui ne choisit pas de fonder une famille devrait se poser.
Lorsque j’étais servant d’autel, et que je voyais la vie du curé de mon village, je pensais que c’était la belle vie. Je ne voyais pas tout ce dont il devait s’occuper ! Donc, enfant, je voulais devenir prêtre. Mais en grandissant, c’est devenu moins clair. En classe de 6ème, j’ai choisi de ne pas prendre l’option latin. J’ai eu l’impression que de cette manière je ne pourrais pas devenir prêtre. Ce n’était pas très judicieux parce qu’il aurait été beaucoup plus facile d’apprendre le latin à treize ans qu’à trente-cinq !
Au moment de passer le bac, j’étais convaincu de ne plus vouloir devenir prêtre tout de suite. Mais je me suis dit que j’allais me reposer la question tous les cinq ans. À vingt-cinq ans j’étais trop jeune encore. À trente ans je n’étais pas encore sûr. À trente-cinq ans je me suis dit que c’était maintenant ou jamais. Mais est-ce que je n’étais pas trop vieux ? Le directeur du séminaire de l’époque, l’abbé Patrick Hubert, m’a affirmé que non. Et j’ai constaté depuis que dans les séminaires il est fréquent de rencontrer des candidats plus âgés.
Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Je voulais être certain de ne pas être malheureux de vivre seul. Je voulais expérimenter cela. D’ailleurs je n’ai pas eu de relation sentimentale, pendant mes années d’instituteur, car j’avais toujours en tête cette question que je voulais pouvoir me poser librement tous les cinq ans. Je savais que, si je devenais prêtre, ce devait être prêtre diocésain. Il me semblait que si je ne savais pas vivre seul, il me serait impossible de vivre une vocation de prêtre diocésain. Donc cette question de la solitude était vraiment centrale. Dans un sens, j’avais fermé une porte, celle du mariage, mais j’ai mis du temps à ouvrir l’autre !
Quelles ont été les réactions dans votre entourage, qui avait dû s’habituer à vous voir instituteur ?
Ceux qui me connaissent vraiment s’y attendaient, ce n’était pas une surprise pour eux. Les autres ont tous eu des réactions très positives. Mais c’est un changement de vie qui entraîne forcément le renoncement à certaines amitiés.
Où avez-vous fait vos études pour devenir prêtre ?
Actuellement je suis le seul prêtre incardiné au diocèse qui a fait tout son parcours au Grand Séminaire sous l’épiscopat de Monseigneur Hollerich. Comme le Luxembourg est de plus en plus francophone, après mon année propédeutique(*) en 2012-2013, il m’a envoyé quatre ans à Paris pour mes études de théologie et de philosophie, entrecoupées d’une année à Boston. Cela a ouvert mon horizon. Après la France, notre archevêque m’avait dit de faire une année d’études dans « un pays où l’on parle anglais et qui n’est pas en Europe », pour que je puisse m’adapter aux fidèles de plus en plus nombreux au Grand-Duché qui ne parlent ni luxembourgeois, ni allemand, ni français. J’ai donc étudié au Boston College, qui est une université jésuite. En 2018 j’ai été ordonné diacre et j’ai alors fait une année dans la paroisse de Wiltz. J’ai été deux ans vicaire à Steesel-Walfer. Depuis septembre 2024, je suis vice-président du Grand Séminaire, dont le président est Patrick Muller qui est aussi vicaire général.
À quoi ressemble votre vie aujourd’hui ?
Le Grand Séminaire forme en ce moment six séminaristes. C’est beaucoup pour un diocèse de la taille du nôtre. Certains vivent ici, au séminaire au Centre Jean XXIII, d’autres en paroisse. Nous prions ensemble les laudes le matin et les vêpres le soir et nous avons la messe avant le déjeuner. Entre ces temps de prière, je dois organiser les formations des uns et des autres qui sont adaptées à leur parcours individuel.
Le week-end, je remplace des prêtres dans leurs paroisses, s’ils sont malades ou en vacances. Je circule donc un peu partout dans le pays en fonction des besoins, et je suis très heureux de pouvoir le faire.
Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes qui nous lisent ?
D’abord, il ne faut pas rester seul avec ses questions ! Il faut demander l’aide d’un prêtre, d’un accompagnateur spirituel, d’un laïc, d’un religieux… afin d’avoir un appui pour trouver des réponses à ses interrogations. Ce doit être une personne de confiance, consciente de la confidentialité de l’accompagnement. Personnellement j’ai eu un accompagnateur pendant quelques années avant d’entrer au séminaire.
De plus, il faut essayer de trouver une communauté au sein de laquelle on peut vivre sa foi, si ce n’est pas encore le cas. Cela peut être une paroisse, une communauté linguistique, les scouts, un groupe de laïcs (**)… Il est essentiel d’ancrer sa foi dans une communauté concrète.
Enfin, il faut se lancer ! Entrer au séminaire ne veut pas dire nécessairement que l’on deviendra prêtre. Le séminaire est un temps de discernement, dans l’Église.
(*) L’année de propédeutique est une année de prière, de vie fraternelle et de discernement, suivie par les jeunes hommes qui souhaitent devenir prêtre, avant l’entrée éventuelle au séminaire.
(**) Ces groupes de laïcs sont très nombreux dans le diocèse : Focolari, CVX, Communauté de l’Emmanuel, Chemin Néocatéchuménal…
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé de l’actualité de l’Église catholique au Luxembourg, abonnez-vous à la Cathol-News, envoyée tous les jeudis, en cliquant ici.
Gros titres
-
Abbé Yves Olinger : « il faut vivre sa foi en s’ancrant dans une communauté concrète »
Yves Olinger a longtemps tenu sa vocation à distance. Entretien avec cet ancien instituteur devenu prêtre (dossier "vocations" 5/5).
-
2e épisode du podcast Échos de l’Église au Luxembourg
L'Église catholique au Luxembourg a inauguré une série de podcasts. Marie-Christine Ries est la deuxième invitée.
-
Défrichez vos terres en friche (Osée, 10, 12)
Exemple à suivre : le Doyenné Sud-Est ou ce qui se passe quand l’Église travaille dans l’unité.
-
D’Mass vum 8. Juni gëtt vu Mäertert iwwerdroen
D'Sonndesmass an de Medien